8.5/10Toy Story 2

/ Critique - écrit par Nicolas, le 14/04/2010
Notre verdict : 8.5/10 - Toys are us (Fiche technique)

Tags : toy story film disney buzz woody histoire

Une suite un poil au-dessus de l'original, qui répondait déjà d'une qualité fulgurante. La resortie DVD est une belle occasion de (re)découvrir ce chef-d'oeuvre.

Toy Story avait fait des remous : premier long métrage d'animation 3D, provenant d'un studio sans grande référence alors (Pixar), et film d'une qualité absolument énorme à la fois reconnue par le public et par la critique. Cinq ans après, la surprise est moindre, le choc technique plus facile à appréhender, et le nouveau volet se destine donc au marché direct-to-video - choix compréhensible quand on connaît la teneur des suites tatouées Disney. Mais pourtant, cette séquelle se positionne comme un écho retentissant à son aîné, une sorte d'approfondissement loin d'être crétin qui met en valeur le message délivré dans le premier film et en profite pour l'étoffer.
C'est actuellement la seule séquelle du studio Pixar, et plus pour très longtemps : Cars 2 devrait arriver en 2011, et Toy Story 3 fera son arrivée dès cet été. Un événement, cela va sans dire quand on connaît la qualité de chaque film Pixar, qui s'amorce par la mise en vente de nouvelles éditions des films Toy Story 1 et 2. Si la mouture DVD ne brille pas par son originalité, elle constitue une belle occasion d'acquérir ces grandes pointures du film d'animation ; sans parler de la version blu-ray, évidemment remplie à ras-bord.


L'idée de base est donc de faire vivre des objets inanimés, ici des jouets, en leur octroyant une existence propre (quand les humains ont le dos tourné) et une sentimentalité. Et à travers cette forme de subsistance, un parallèle se forme avec l'humanité et ses propres démons. Ainsi, dans le premier Toy Story, l'arrivée d'un nouveau jouet plus technologique faisait naître chez l'ancien préféré des sentiments de jalousie et de haine, et conduisait à une inévitable trahison. Les mots sont crus, mais sont les plus explicites pour décrire une situation finalement drôle, quand elle est ramenée à des yeux d'enfants, mais dont la nature se révèle terriblement adulte. Cette forme de mal se retrouvait confrontée à son parfait contraire, où l'acceptation de soi, l'entraide, et l'abnégation débouchait sur une amitié solide et durable. Un statu quo final que l'on retrouve aujourd'hui au début de cette nouvelle aventure.
C'est donc en tant qu'amis que l'on retrouve Woody et Buzz l'Eclair quelques années plus tard. Le temps a passé, certes, mais pourtant leur propriétaire éprouve toujours autant de plaisir à marier les deux univers pour passer une après-midi pleine d'héroïsme fictif. Jusqu'à ce que le cowboy soit abîmé et mis sur une étagère le temps d'être recousu. Le début d'une prise de conscience (à échelle de jouet) sur le temps qui passe, et l'inéluctable vérité : le jeune Andy grandit, finira par passer à l'âge adulte, et abandonnera du même coup ses jouets. Oubli et inconsidération seront donc des thèmes très forts chez ce Toy Story 2, et pourra même dans une relative mesure se dresser comme un parallèle avec le parent qui voit son enfant s'éloigner au fil des ans, mentalement et physiquement. Cela, même si l'évolution mentale et comportementale reste le principal carburant.


Apeuré par l'idée d'être abandonné et oublié, il est normal de voir alors Woody séduit par les propos de Jessie l'écuyère et du Chercheur d'Or. Avec PilePoil le cheval, ces quatre jouets formant une collection pouvant s'échanger à prix d'or, en hommage à une série télé aujourd'hui obsolète et à une notoriété fulgurante maintenant éteinte. L'éternité, voilà ce qui est proposé à Woody : l'assurance de n'être jamais oublié, quitte à passer ses jours sous une cloche au fin fond d'un musée japonais. En d'autres termes, refuser l'instant présent, et opter pour une existence morne mais durable, sans changement. Ou bien encore, intégrer un groupe qui nous ressemble (les personnages de la série), et tourner le dos à un autre plus éclectique (la chambre à jouets de Andy). Toy Story 2, sous couverture d'une intrigue favorisant l'action et le gag facile, pose des problématiques qui se présentent à nous au jour le jour. Et, parfois, même en tant qu'adulte, l'identification aux personnages fonctionne.
Un des autres thèmes abordés, celui-ci plus fréquent, est le rapport à l'argent. Celui-ci se double du phénomène de collectionnite, où les anciens jouets (parfois non déballés) se revendent très cher pour leur rareté et leur gloire passée, alors que  les nouveaux jouets, plus techniques, pullulent dans les rayons de supermarché. Nous sommes dans une déviation du rapport de l'adulte avec le jouet, qui l'amène sur un terrain plus mature où l'on discute avant tout de commerce et d'échange, mais aussi de finalité et des moyens pour l'obtenir.

Au-delà de tout cela, et c'est là son grand tour de force, Toy Story 2 reste un divertissement d'une très grande qualité, capable d'unir le premier et  le second degré sur toute la longueur. L'enfant s'amusera avec les scènes d'action plutôt rigolotes, les jeux de mots primaires des protagonistes, tandis que l'adulte se divertira des nombreuses références cinématographiques et des nombreux niveaux de lecture du film. Pixar n'en oublie pas d'être avant tout un faiseur de rêves : la réalisation est enlevée, maîtrisée, le rythme de son récit est parfaitement géré, et la finesse de ses dialogues ne met jamais personne de côté - tout en faisant vivre de nombreux personnages à la fois. Même la version française ne démérite pas, à ceci près que l'on pourra juger les quelques chansons émaillant le film d'une inspiration plutôt moyenne, au regard de l'ensemble.

Si le Blu-Ray se montre évidemment plus réussi techniquement, l'édition DVD n'a pas à rougir. L'image est nette, sans souci de compression, confère à l'action une fluidité parfaite, et retranscrit parfaitement les couleurs du film. L'audio démontre qu'un film de jouet peut tout à fait gronder dans les installations sonores de qualité. Parfait équilibrage des canaux, qui sont absolument tous sollicités, avec un détachement judicieux des dialogues. Du très bon travail.
Bonus un peu chiches pour l'édition DVD, par contre. Si vous en avez la possibilité, tournez-vous plutôt vers la version Blu-Ray, carrément plus fournie.

  • Commentaires audio de John Las­se­ter, An­drew Stan­ton, Lee Un­krich et Ash Bran­non : John Lasseter et quelques autres figures de chez Pixar commentent le film avec nonchalance, apportant anecdotes de production et quelques précisions d'odre technique. Très écoutable.
  • Avant-première : les personnages de Toy Story 3 : Un petit montage présentant quelques uns des nouveaux personnages créés pour Toy Story 3. C'est court, pas très informatif, mais donne envie d'en savoir plus.

  • 3 do­cu­ments :
    « Mis­sion Buzz l'éclair, sta­tion spa­tiale in­ter­na­tio­nale », « Les che­mins qui mènent à Pixar, ou les ar­tistes de la tech­nique », « Le zoo­trope de Pixar » : Trois petits documents à l'intérêt assez limité. Ils contiennent quelques informations, certes, mais demeurent liés au film de manière indirecte et éloignée. Dans le premier, Buzz commente la vie de véritables spationautes dans une station orbitale, expliquant la nécessité de faire constamment de l'exercice physique dans un environnement où la gravité s'affiche beaucoup moins importante que sur la Terre. Dans le second, ce sont les animateurs qui prennent la parole, pour expliquer d'où ils viennent, comment ils en sont venus à l'animation, et ce qui les a motivés à persévérer dans cette voie. Le dernier de ces modules présentent un zootrope 3D construit par les studios Pixar, à l'image de celui des studios Ghibli. Grosso modo, il s'agit d'une sorte de manège où un même personnage est reproduit plusieurs dans des positions légèrement différentes de la précédente, afin qu'en mouvement le spectateur ai l'impression que la marionnette est animée.
  • 3 anecdotes du studio : « Manque de sommeil au labo Toy Story 2 », « Pinocchio », « Le film se détériore » : Ces anecdotes sont au final un peu plus intéressantes que les petits documents précédents. L'un des collaborateurs Pixar raconte à chaque fois une portion de leur vie au travail, à travers une histoire qui les a marqué. La plus étonnante est certainement la troisième, où est expliqué qu'une grosse partie du film avait été effacé dans une mauvaise manipulation informatique, ce qui avait mis en péril la production. Je vous laisse découvrir le fin mot de l'histoire, mais sachez tout de même que la sauvegarde était tellement foireuse qu'elle n'a pas pu être utilisée.
  • Re­por­tage : Hom­mage à Joe Ranft : Le plus long bonus (hors commentaires audio) est ici : un gros reportage sur Joe Ranft, l'un des scénaristes emblématiques du Studio Pixar, décédé au cours de l'année 2005 dans un accident de voiture. Le documentaire est entrecoupé de morceaux d'interviews avec Joe, des photos de son enfance, et de témoignages de ses collègues.

L'édition DVD a beau être finalement moyenne en termes de contenu, Toy Story 2 demeure un indispensable de chaque DVDthèque. En tant que film pour enfant, il se présente comme un divertissement de très bonne facture, loin d'être abrutissant, parfaitement inoffensif ; et en tant que film pour adulte, il se révèle très distrayant, remarquablement intelligent, et solidement construit.