8.5/10Tournage dans un jardin anglais

/ Critique - écrit par riffhifi, le 26/11/2007
Notre verdict : 8.5/10 - Shaken, not Sterne (Fiche technique)

Tags : dans tournage anglais jardin film shandy dvd

Une histoire sans queue ni tête (c'est le titre original) qui mêle réalité et fiction avec bonheur et humour anglais. Hors normes.

Objet filmique déroutant, Tournage dans un jardin anglais marque les retrouvailles après 24 hour party people de Michael Winterbottom et de ses interprètes Steve Coogan et Rob Brydon, qui n'hésitent pas un instant à jouer avec leur image, brouillant perpétuellement la frontière entre fiction et réalité...

Tristram Shandy (Steve Coogan) est un jeune homme du XVIIIème siècle qui entreprend de raconter sa vie, en commençant par sa jeunesse passée avec son oncle Toby (Rob Brydon) et le caporal Trim. Tristram interprètera son propre père Walter Shandy (Steve Coogan, donc) pour les besoins du récit. Sauf que Steve Coogan (Steve Coogan) est un acteur narcissique et suffisant, que Rob Brydon (Rob Brydon) est préoccupé par ses dents jaunes (ou en tous cas « pas blanches »), et que le film qui se tourne souffre de coupes budgétaires, d'incidents de tournage... Vous n'avez rien compris ? C'est pas grave !

Toi aussi mon fils, tu auras une perruque
Toi aussi mon fils, tu auras une perruque
A l'origine, il y a un livre : La vie et les opinions de Tristram Shandy de Laurence Sterne. Réputé inadaptable, il retrace une autobiographie fictive si confuse et soucieuse du détail qu'une fois arrivé à la fin, le héros n'est toujours pas né. Un calvaire pour un scénariste/réalisateur qui souhaite livrer un film compréhensible et divertissant : Michael Winterbottom ne baisse pas les bras pour autant, et décide de mêler la substance du bouquin à la frénésie et aux aléas du tournage virtuel du film, dévoilant au passage les coulisses pas toujours très propres du milieu du cinéma. Les acteurs se prêtent de bonne grâce au jeu de l'autodérision, Steve Coogan en tête dans son personnage d'acteur britannique jusqu'au bout des ongles et « ne sachant jouer que comme
Roger Moore ». Révélant progressivement son humanité, l'acteur semble avoir autant de mal à appréhender sa vie que le personnage qu'il interprète. Quant à comprendre le bouquin, il en est à des kilomètres.

Rob & Steve, une histoire de talonettes
Rob & Steve, une histoire de talonnettes
S'il fallait trouver un équivalent à ce Tournage dans un jardin anglais (traduction douteuse de A Cock and Bull Story, manifestement destinée à attirer les éventuels fans de Meurtre dans un jardin anglais), on penserait à Adaptation de Spike Jonze, qui racontait le chemin de croix de Charlie Kaufman chargé d'écrire un scénario tiré du livre de Susan Orlean The orchid thief, lui aussi réputé inadaptable. La différence essentielle entre les deux films, c'est que l'un montre la difficulté d'adaptation au niveau du scénario, l'autre au niveau du tournage et des acteurs. Ici, l'accent n'est pas mis sur un trip angoissant dans les profondeurs de la psyché du créateur, mais sur les relations humaines entre artistes pétris de défauts et pas toujours conscients de ce qu'ils font. Le réalisateur choisit d'ailleurs de s'effacer complètement puisque ce n'est pas lui qui dirige le « film dans le film », mais un nommé Mark interprété par Jeremy Northam ; il se revendique d'ailleurs plus des films traitant de tournages laborieux comme 8 ½ de Fellini ou La nuit américaine de Truffaut. Le résultat pourrait être prétentieux et torturé, pourtant il n'en est rien : pétillant et plein d'esprit, le film est à la fois une réjouissance intellectuelle et une saine tranche de rire portée par l'audacieux Steve Coogan et le plus discret Rob Brydon (co-star ? second rôle ? à vous de juger) aux faux airs de Roger Daltrey.

Ajoutez à l'ensemble une apparition cocasse de Gillian Anderson et une interpénétration constante des différents niveaux de réalité, et vous obtiendrez deux films pour le prix d'un, tous deux hilarants et tous deux sans queue ni tête (heureuse expression française qui permet presque de préserver les blagues liées à l'anglais « a cock and bull story », et qu'il aurait été plus judicieux d'utiliser comme titre).