9/10Toto le héros

/ Critique - écrit par knackimax, le 03/12/2008
Notre verdict : 9/10 - C'est l'histoire de Toto (Fiche technique)

Tags : film thomas van toto heros alfred cinema

Film fantastique aux couleurs du réalisme qui mélange le tragique à l'amour comme rarement vu dans un film. Des acteurs sublimes pour une composition visuelle très musicale. Quand votre coeur fait boum, tout avec lui fait Boum Boum.

Il est des mélodies qui impriment certains moments cinématographiques comme si elles étaient collées à la pellicule. Je ne parle pas ici de l'utilisation de Boom Boom Boom des Vengaboys dans une scène de déchaînement en discothèque, mais de la chanson de Charles Trenet avec un seul Boum et de sa présence incomparable dans le film de Jaco Van Dormael, cette présence qui nous laisse un goût si amer dans tous les drames de l'existence, qu'ils soient accompagnés ou pas de beaux souvenirs.

« La pendule fait Tic Tac Tic Tic
Les oiseaux du lac Pic Pac Pic Pic
Glou Glou Glou font tous les dindons et la jolie cloche ding ding dong
Mais boum quand votre coeur fait boum
Tout avec lui dit boum et c'est l'amour qui s'éveille »

Thomas est à la fois un jeune garçon et un petit vieillard et ce à toutes les étapes de sa vie ; il passe son temps à nous raconter son histoire, tragique, émouvante et parfois drôle en fantasmant les choses qui ne sont pas arrivées autant que celles
qui lui sont passées entre les mains et qu'il n'a pas su garder. Persuadé d'avoir été échangé à la naissance avec Alfred le voisin qui s'est réveillé à sa place dans une vie facile et aisée, il traverse le temps en s'imaginant héros de sa propre vie, se laissant aller au gré de ces désirs simples mais perturbants comme celui de retrouver sa sœur dans la femme qu'il aime, de fumer une cigarette en cachette à 80 balais et surtout le désir de voler comme papa mort dans son avion pour livrer de la confiture d'orange.

« C'est l'histoire d'un type à qui il n'est jamais rien arrivé. »

Michel Bouquet, Jo De Backer et Thomas Godet se partagent ainsi un personnage central dans lequel se posent les conflits d'une existence peu appréciée. La finesse qui se retrouve dans cette interprétation symphonique trahit une écriture de
scénario méticuleuse qui sert de lien central aux dialogues du film. Les trois personnages n'en forment qu'un et empruntent même une voix commune pour le bien du récit. La souffrance que laisse échapper le regard de Jo se retrouve ainsi dans le sourire espiègle de Michel et les instants d'egarement d'un petit garçon qui ne comprend pas très bien les règles du monde des adultes. Un film teinté de touches analytiques qui en font un montage compliqué entre passé, présent, futur et projection. Ce genre si peu connu de nos contrées classiques et intimistes trouve ici une place de rêve dans la vision éclairée de Jaco Von Dormael qui attendra cinq années pour nous livrer son film suivant sous le titre philosophique Le 8ème jour.

« Célestin est né dans une machine à laver. C'est pour ça qu'il est drôle. »

Mais au delà de sa façon d'exploiter le drame avec toute la puissance d'un metteur en scène de théâtre, l'humour qu'il insuffle en pointillé au récit nous propose une ambiance variée qui accentue l'émotion que dégagent les personnages. On note par exemple une formidable qualité dans la prestation de Sandrine Blancke dont le rôle central de Justine, sœur de Toto, est d'une profondeur exceptionnelle. Sans l'exactitude de cette talentueuse jeune actrice le film tomberait comme un soufflé rendant les sentiments édulcorés et fade, mais ces légers sourires amoureux qu'elle lance à son frère, l'innocence diabolique qu'elle dégage lorsqu'elle accomplit les pires actions au nom de l'amour paternel et maternel (fraternel?) sont d'une beauté assourdissante. Elle donne le ton au récit mélangeant la lourdeur du sens avec la hauteur de son appréciation. Elle est l'élément de vie dans ce film qui tourne si souvent au bord des abysses de la mort. Pascal Duquenne ainsi que Karim Moussati (version jeune), frère attardé de cette famille brisée et complice de tout ce manège infernal témoigne de la simplicité de la vie lorsqu'elle est bien trop compliquée pour les protagonistes. Il insuffle à sa façon une joie nécessaire et un esprit d'équilibre sincère assez magique et naturel dans la dynamique brisée de cette famille.

« J'te tuerai. J'te tuerai Alfred
Ça ne sera même pas un meurtre
Je ne ferais que reprendre ce qui m'appartient
La vie que tu m'as volée le jour où je suis né
Ma vie »

Un film d'une rare composition donc, maîtrisé et sans faille ou presque. Certes la deuxième musique qui suit le film et qui alourdit les passages dramatiques finit par nous faire penser à une longue pub pour la société géniale mais il n'en reste pas moins que son efficacité n'est pas à prouver. Quoi qu'il en soit, le héros qui se cache dans chaque petit garçon ne nous lâche pas d'une semelle et entraîne le spectateur dans une histoire bien personnelle et presque dérangeante de naturel. On remercie en conséquence l'excellent casting et le très bon réalisateur pour ce beau voyage en territoires hostiles et surtout pour la douceur qu'il amène à la vie au delà du drame et des pleurs. Au final la chanson titre est synonyme de l'espoir que nous portons tous en nous et qui nous imprime sur une rétine amusée et une oreille à l'écoute que tant qu'un cœur bat, il célèbre la vie et tout alors devient possible. Un rêve d'enfant intériorisé peut-être, mais probablement beaucoup plus qu'un film ne sait le dire d'habitude.