6/10Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre

/ Critique - écrit par Nicolas, le 20/08/2012
Notre verdict : 6/10 - Recall me, maybe (Fiche technique)

Tags : recall total film nouvelle souvenirs verhoeven dick

Tous les moyens sont bons pour justifier un remake et s’appuyer sur la notoriété, certes vieillissante, d’un blockbuster devenu culte avec le temps. Aujourd’hui, l’équipe derrière ce Total Recall version 2012 met en avant sa plus grande fidélité au matériau d’origine (une nouvelle de l’incontournable Philip k. Dick, « Souvenirs à vendre ») et décrit son film davantage comme une nouvelle adaptation plutôt qu’une refonte. Est-ce réel ? Est-ce imaginaire ?

Sans avoir vu le Total Recall de 1990

Dans un futur plus ou moins proche, Douglas Quaid rêve quasiment chaque nuit d’une vie d’espion dangereuse et mouvementée, aux côtés d’une ravissante brunette. Seulement voilà, Douglas n’est en réalité qu’un ouvrier oppressé par l’Union Fédérale Britannique, marié à une ravissante brunette – mais pas la même. Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre
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Pour étancher sa soif d’aventure, il se rend chez Rekall et casse sa tirelire pour s’offrir de juteux souvenirs : un passé d’agent secret. Alors sur le point de mettre le processus en marche, les employés de l’agence découvre que Douglas est un réel agent secret qui s’ignore lui-même…

Si Total Recall est indubitablement un blockbuster d’action, son amorce semble le doter d’une double lecture psychologique intéressante dans le principe. Le scénario plonge Quaid dans une série de faux-semblants qui nous amène rapidement à douter de la véracité des faits. S’agit-il de la réalité ou des souvenirs achetés chez Rekall ? Rapidement, toutefois, cette subtilité « de gonzesse » va être jetée aux ordures pour laisser place à du muscle, de la sueur, de la nana bien charpentée qui va tenir des gros flingues et des robots qui vont aller s’exploser joyeusement sur l’inébranlable virilité de Colin Farrell. Nous qui pensions, au début, nous retrouver avec une sorte de Jason Bourne Futuriste et à double sens, nous voilà bien attrapés ! Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre
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Quaid fuit, dézingue, détruit, doute quelques secondes pour fuir et détruire derechef. Le « spectacle », parfois un peu épuisant, a le mérite de garder une bonne vitesse de croisière et nous prendre par les couilles jusqu’à la fin du film, sans trop serrer ni trop relâcher sa pression. Même lorsque le film déroule ses twists scénaristiques, on garde la main au paquet : Quaid va vite revenir à la bonne vieille méthode du premier degré, de toute façon.

Kate Beckinsale a de la chance, son mari Len Wiseman est à la réalisation. Alors, elle récupère un des rôles principaux, celui de la femme de Quaid, et s’assure un bon salaire sans avoir à compter sur sa performance au casting. Elle a un joli minois, devrait prendre quelques kilos, mais se montre suffisamment crédible dans les scènes d’action pour ne pas avoir envie de lui chercher des noises. Je n’ai pas dit qu’elle était « bonne actrice », non, plutôt « actrice bonne ». Avec des cascadeuses correctes. Même topo global pour Jessica Biel, rien ne transpire du personnage à part une volonté manifeste de péter des trucs. Et Colin ne rattrape rien, il sait coller des gnons et se montre immédiatement sympathique grâce à son accent irlandais, mais pour le bonhomme torturé par sa perte d’identité, on repassera plus tard. Reste que Wiseman a eu 200 millions de budget et nous livre alors une transposition numérique du futur plutôt sympa à admirer – avec même quelques moments de grâce dans sa réalisation. Ce n’est pas ça qui fera de Total Recall un film exceptionnel, juste un blockbuster estival qui détend. Enfin, si l’on aime se détendre avec l’action et de la sueur de bonhomme.

En ayant vu le Total Recall de 1990

Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre
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Si la version 2012 se dit « nouvelle adaptation », elle subit constamment l’ombre de la version de 1990. Ne vous laissez pas embobiner, il s’agit bien d’un remake, avec certes de petites différences qui ne sont pas à la faveur du film. Déjà, il ne sera pas question de Mars, mais d’une colonie isolée en Australie. Richter (interprété à l’époque par Michael Ironside) fusionne avec la femme de Quaid (Lori), le meneur de la résistance devient un Bill Nighy complètement effacé, et tous les mutants sont rayés du script – hormis une nana à trois nichons. Commençons par les deux différences positives. Avec 22 ans d’évolutions technologiques, la vision futuriste de Len Wiseman est évidemment plus agréable à regarder par rapport à la kitscherie de 1990 – qui, je le rappelle, implantait des colonies sur Mars en protégeant la population avec du verre extrêmement fragile. C’est évidemment une question de budget et d’époque, mais au moins, nous en avons pour notre argent, c’est détaillé et parfaitement crédible – tout du moins, pour les quelques années à venir. Et puis, Colin Farrell a beau ne pas signer la composition de sa vie, son apparence physique lui donne plus de crédibilité en agent sous couverture. Je veux dire, qu’il soit espion ou non, Arnold Schwarzenegger qui pète à la gueule à quatre malabars de métier, c’est limite du pléonasme. Lorsque Colin Farrell se débarrasse d’une dizaine de policiers dans un réflexe, c’est déjà plus étonnant.

Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre
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Sur tout le reste, 2012 fait pâle figure. Total Recall 1990 construisait un univers décalé, dépeignait une vie martienne balancée entre la tenace décennie 80 et la quasi-horreur, donnait au film un cachet graphique à la fois dérangeant et fascinant. On se souvient avec une certaine perplexité des effets permettant aux acteurs de suffoquer dans d’atroces gonflements du visage, image certes devenue un peu arriérée mais visuellement saisissante. Dans Total Recall 2012, nous écopons d’un futur qui ressemble à n’importe quel autre futur cinématographique, aseptisé et porté sur la technologie de pointe. On serait dans le même univers que Minority Report ou Paycheck, cela ne nous étonnerait point. Le réalisateur de l’époque, Verhoeven, prenait également un malin plaisir à jouer sur les zones d’ombres du scénario. La première demi-heure de son film est absolument parfaite sur le plan de l’ambiguïté, et se répercutera sur l’ensemble du métrage : réel, imaginaire ? La question se pose jusqu’à la fin, et devient même le principal sujet de discussion sur le personnage. Len Viseman ne s’en inspire pas, et préfère filmer sa femme en train de jouer de la mitraillette. Soyons bien compris, la version de 1990 a elle aussi du triceps à revendre, avec de l’hémoglobine, du membre arraché et de la punchline à tous les étages (« Consider that a divorce ! »), le tout dans une bonne humeur très caractéristique de la fin des années 80. Mais il y avait tout de même ce second degré très caractéristique des films de Verhoeven, ce que la version de 2012 ne parvient pas à atteindre, restant sur les berges du premier degré.

Et puis, il y a une différence de stature. D’un côté nous avons Colin Farrell, acteur certes populaire mais à la carrière hésitante. Il est épaulé par Kate Beckinsale, incapable de briller avec ou sans son mari malgré un physique avantageux quoique un peu altéré par l’anorexie, et par Jessica Biel, tout aussi agréable à regarder mais sans grand film à son actif. De l’autre côté, nous avons Arnold Schwarzenegger, sur le point d’atteindre le sommet de sa notoriété avec Terminator 2, et Sharon Stone, à deux doigts de crever le grand écran avec le sulfureux Basic Instinct et sa touffe de poils. Avec le recul, la version de 1990 a toujours autant de sex-appeal, et voir l’affiche de Total Recall 2012 donne surtout envie de revoir l’ancien.

Conclusion

Total Recall : Mémoires programmées est un honnête divertissement estival, assez light sur l’intellect et plutôt bien fourni sur le plan visuel. A partir du moment où l’on recherche de l’action et l’effet spécial de qualité, on pourra s’y plonger sans déplaisir. Si l’on s’attend à une relecture de la nouvelle de K. Dick ou d’un remake scrupuleux de la version de 1990, la déception sera grande, pour ne pas dire énorme. Même 22 ans plus tard, Verhoeven et Schwarzy demeure de solides arguments de vente et de qualité.

Total Recall 2012 : Souvenirs à revendre
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