Gatsby le Magnifique
Cinéma / Critique - écrit par Nhu-lan, le 20/05/2013 (Tags : gatsby magnifique film fitzgerald scott francis nick
Gatsby le Magnifique, film d’ouverture du Festival de Cannes, est aujourd’hui à l’affiche dans le monde entier. Il s’agit de l’œuvre cinématographique la plus prisée du moment. Alors, on va voir Gatsby ou pas ?
Lectrice de la première heure du roman à succès de Francis Scott Fitzgerald, je fais partie des personnes qui ont déjà une opinion bien définie quant à cette œuvre. Depuis sa création, le personnage éponyme, Jay Gatsby, hante l’imaginaire de l’Amérique moderne. Le roman, le protagoniste, et jusqu’à l’auteur lui-même, symbolisent à la fois les idéaux et les excès de la société américaine. Gatsby le Magnifique fut adapté quatre fois sur grand écran. La version la plus célèbre fut celle de 1974 réalisée par Jack Clayton et avec Robert Redford et Faye Dunaway dans les rôles clefs. Le réalisateur australien Baz Luhrmann a-t-il donc réussi à surpasser ses prédécesseurs ?
You'll take another glass, will you not old sport ? (Vous reprendrez bien un verre, n'est-ce pas mon vieux ?)
L’annonce de la sortie d’un Gatsby à la sauce Luhrmann ne manqua pas d’éveiller ma curiosité. De lui, nous connaissons sa version déjantée et dépoussiérée de Roméo et Juliette ainsi que son enivrant et explosif Moulin Rouge. Des films de Baz Luhrmann on retient surtout les excès visuels et sonores qui, paradoxalement, ne versent jamais dans la faute de goût. Baz Luhrmann sait séduire le public.
Avant même la sortie au cinéma, mes attentes étaient hautes ! « Le génie de Fitzgerald et le talent de Baz Luhrmann feront-ils bon ménage ? Le célèbre réalisateur saura t-il relever le défi sans y laisser quelques plumes ? » C’est avec toutes ces questions en tête et, je dois le concéder, un certain enthousiasme, que je m’installai dans le fauteuil rouge. Affublée de lunettes 3D, j’étais prête pour le grand spectacle que la bande-annonce et les grands médias nous avaient tant promis.
Que dire sur le film lui-même hormis qu’il s’agit d’une réussite ! Une fois encore Baz Luhrmann nous ouvre les portes de son imagination et réveille un monde de papier pour lui redonner toutes ses couleurs. D’ailleurs, des couleurs en veux-tu en voilà ! Du blanc virginal pour la belle Daisy Buchanan (Carey Mulligan), du rouge sang pour la sulfureuse Mirtle Wilson (Isla Fisher) et une explosion en Technicolor et paillettes pour les fêtes orgasmiques orchestrées par le solaire Jay Gatsby (Léonardo Dicaprio). La débauche de nos sens est totale grâce à une sélection musicale savamment orchestrée qui laissent aux soirées du mystérieux Gatsby le charme des années folles tout en leur donnant un goût de notre époque. La collaboration d’artistes internationaux tels que Beyoncé, Lana del Rey, Will.I.Am, ou encore emely Sandé, ne manque pas de nous surprendre et de nous séduire. La chanson de Lana del Rey, que l’on aime la chanteuse ou non, revient comme un leitmotiv tout au long du film sans jamais nous lasser. Le refrain ‘Will you still love me when I’m no longer young and beautiful?’ (“M’aimeras-tu encore lorsque je ne serais plus ni jeune ni belle (beau) ? ») nous susurre à l’oreille les paroles d’un amour inconditionnel mais que l’on sent déjà dépassé. Car, cette romance est avant tout la lutte acharnée d’un homme pour raviver son passé : ‘You can repeat the past’ (« Le passé peut être répété ») nous martèle Jay Gatsby (Léonardo Dicaprio). La musique utilisée par Luhrmann est un mélange achronique de rap et d’électro qui bouscule les codes sans dénaturer l’œuvre de Fitzgerald. Un spectateur qui connait peu le roman et les années 1920 peut, par conséquent, s’identifier totalement aux créatures de la nuit, adeptes de la beuverie, qui peuplent le film. Comme pour Romeo+Juliette et Moulin Rouge la bande sonore de Gatsby le Magnifique est en passe de devenir une référence.
Et les acteurs dans tout ça ? Léonardo Dicaprio (Jay Gatsby) et Carrey Mulligan (Daisy Buchanan) s’imposent comme une évidence ! Dicaprio incarne un Gatsby solaire et nerveux, tellement obsédé par le détail qu’il choisit de ne plus faire dans le détails en s’offrant un châteaux peuplé de majordomes, une voiture de sport jaune poussin, une canne et des costumes de couleurs douteuses. Un homme bling-bling version 1920 en quête perpétuelle de son identité et de son amour de jeunesse. L’acteur nous avait déjà montré l’étendue de son talent dans des films comme Roméo+Juliette, Inception ou Shutter Island. Incarner des personnages à la limite de l’implosion semble lui coller à la peau et lui va à ravir. À mon avis, aucun acteur de sa génération n’aurait pu incarner un Gatsby aussi vivant et si conforme au personnage du roman. Pourtant passer après le grand Robert Redford ne semblait pas être chose aisée. Cependant, Dicaprio semble à l’aise dans son personnage et cela se voit à l’écran. Carey Mulligan, que l’on a aimée dans Drive, fait elle aussi une Daisy Buchanan de choix. Elle révèle un jeu tout en délicatesse et nous livre une Daisy envoûtante et charnelle. Une petite réserve, cependant, quant au choix de Tobey Maguire dans le rôle Nick Carraway. En effet, l’acteur ne semble pas être du même acabit que ses rayonnants acolytes même s’il offre une version de Nick Carraway relativement passable.
Il a l'air amoureux, vous ne trouvez pas ?
Baz Luhrman a réussi à être fidèle au texte de Fitzgerald tout en ajoutant un soupçon de son imagination débridée (même si la relation entre Nick Carraway et Jordan Baker aurait pu être plus développée). La machine à écrire de Nick Carraway (Tobey Maguire) nous guide dans le dédale de la tragédie de Gatsby tout au long du film. Bien que le recours à la 3D me paraisse peu utile, le film est un plaisir pour les yeux. Les détails, parfois à la limite du kitsch, sont comme un clin d’oeil de Baz Luhrmann à l’écrivain Francis Scott Fitzgerald qui fût lui-même une figure haute en couleurs. De tous les symboles du film, le phare en face de la maison de la bien-aimée de Gatsby est le plus puissant. La lancinante lumière verte, sur laquelle se clôt le film, nous invite à basculer dans la douce folie de l’univers de Gatsby le Magnifique; à consommer sans modération.