8/10The Artist

/ Critique - écrit par riffhifi, le 03/12/2011
Notre verdict : 8/10 - La classe américaine (Fiche technique)

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Le duo Hazanavicius / Dujardin décroche la timbale avec ce pari osé : tourner un film muet à l’ère de la 3D. Après Cannes, en route pour les Oscars ?

Pour les amnésiques, ou les plus jeunes, Michel Hazanavicius est le scénariste-The Artist
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réalisateur d’OSS 234 (ben oui, il y en a eu deux) : un gaillard spirituel, à l’humour élégant hérité de Blake Edwards, dont la volonté de faire rire n’empêche pas le don pour la reconstitution léchée. Mais pour les routards de la rigolade, Hazanavicius est surtout le maître d’œuvre de La Classe américaine, ce grand détournement qui a marqué l’histoire de Canal+ au début des années 90, et a permis de faire entrer au panthéon des expressions courantes les phrases « le train de tes injures roule sur les rails de mon indifférence », « monde de merde », « on va manger des chips » ou encore, tout simplement, « yep ». Le goût du cinéma, de TOUS les cinémas, transpirait de ce gloubi-boulga frénétique et enthousiaste, et il n’y a rien d’étonnant à ce que le réalisateur se soit finalement tourné vers la base du Septième Art, aujourd’hui délaissé pour cause de vétusté : le film muet.

Le cinéma muet, c’est un peu comme les disques vinyles, les Polaroïds, la purée maison ou les hommes qui tiennent la porte aux dames : on croit que ça n’existe plus, mais ça fait plaisir quand on redécouvre. Les longs métrages muets, depuis le début des années 30, sont rarissimes : si l’on excepte les films sans paroles façon Tati (qui ne sont pas à proprement parler « muets », puisque sonores et baragouinés), on retiendra surtout La dernière folie de Mel Brooks (1976) et Juha (1999) d’Aki Kaurismäki.

George Valentin (Jean Dujardin) est une vedette de cinéma. Nous sommes dans les années 20, et ses cabrioles muettes ravissent le public. Mais lorsque la parole atteint l’écran, l’acteur se retrouve has been, tandis que la starlette Peppy Miller (Bérénice Bejo, déjà en duo avec Dujardin dans le premier OSS 117, et dans la vie avec Michel Hazanavicius) voit son étoile briller de plus en plus fort…

Bien entendu, l’intrigue renvoie à celle de Chantons sous la pluie, et le personnage The Artist
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de Dujardin évoque irrésistiblement Douglas Fairbanks, le bondissant interprète de Robin des Bois, Zorro et d’Artagnan à la grande époque du muet. D’ailleurs, rarement un film français aura été aussi américain dans les faits : tourné à Hollywood, The Artist fait appel à quelques talents du coin comme le large John Goodman et le longiligne James Cromwell ; Malcolm McDowell, en revanche, ne fait qu’une apparition-éclair sans intérêt. Jouant malicieusement de l’absence de son, tout en ne faisant que quelques rares entorses à ce parti-pris, le film est pétillant, émouvant, glamour, et parvient à captiver sans artifice moderne, en faisant simplement de la place à l’histoire, aux acteurs et à la musique pure. Un bon moyen de se souvenir que certains films muets se regardent aujourd’hui bien plus volontiers que leurs successeurs trop vite ringardisés.

En tous cas, le mutisme semble porter chance au film : après une Sélection officielle in extremis à Cannes, qui a débouché sur un prix d’interprétation pour Dujardin (et pour le chien !), The Artist a décroché les Independent Spirit Awards du meilleur film et de la meilleure réalisation, et il est maintenant en piste pour un Oscar…

The Artist
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