Le temps des porte-plumes
Cinéma / Critique - écrit par iscarioth, le 15/03/2006 (Le temps des surprises
Ils fleurissent les films et téléfilms ressuscitant la France du passé, depuis Les Choristes ! C'est non sans une certaine appréhension que l'on découvre Le temps des porte-plumes, qui place lui aussi son intrigue au moment de l'enfance de nos actuels papy-boomers. Nous sommes en 1954. Pippo a neuf ans. Un drame familial le sépare de ses parents ivrognes et l'emmène dans un orphelinat où il est rapidement adopté par un sympathique couple de paysan, interprété par Jean-Paul Rouve et Anne Brochet. Le temps des porte-plumes raconte la nouvelle vie de cet enfant, dans un milieu rural, dans un petit coin de France dans lequel tout le monde se connaît. Le temps des porte-plumes est en quelque sorte une chronique, un calme récit de vie qui juxtapose les petites histoires du quotidien. On voit évoluer la relation entre Pippo et ses nouveaux parents, ses amis et sa classe. Le jeune garçon a du caractère, et c'est plus d'une fois qu'il parvient à rappeler au spectateur, quelle que soit sa génération, l'odeur de son enfance.
Le temps des porte-plumes ne se centre pas uniquement sur Pippo. La caméra se détourne parfois du jeune garçon pour aller observer d'autres visages, dans la communauté d'habitants. Daniel Duval dresse de multiples portraits, portraits ayant des impacts très variables selon la sensibilité du spectateur et la performance de l'acteur. Le mieux en jambe est très certainement Lorant Deutsch, dans son rôle silencieux d'ancien militaire écorché vif. Jean-Paul Rouve ne démérite pas, mais, connaissant son talent d'acteur, on était en droit d'espérer mieux. Quant à Anne Brochet et à Annie Girardot, elles interprètent toutes deux avec conviction des femmes à fort caractère. Si le film convainc dans ses moments de silence (le jeté de boule de papier de l'affreux maître d'école), il peine parfois plus à en imposer de par ses dialogues (l'enfant de l'orphelinat jetant un « fais comme moi Pippo, compte pas » très peu crédible).
Pour ce qui est de la réalisation, Daniel Duval fait dans la sobriété, renforçant cet aspect "chroniques quotidiennes" et documentaire. Les habitudes de vie et moeurs de la campagne française d'après-guerre semblent bien reconstituées. On sent la domination de l'homme sur la femme, encore peu maîtresse de sa propre vie à travers l'histoire de Marie-Jeanne (Mélanie Bernier). On ressent aussi l'importance du curé et de l'instituteur, les deux figures représentatives de l'église et de l'état, qui ont une très forte emprise sur la population. Enfin, une partie du film est consacrée à l'observation, parfois paysagère, du rythme de travail paysan de l'époque : la courbure des corps, les animaux de trait, le début de la machinisation. Cette impression de film reconstituant, observateur, est un peu barbouillée par un final qui verse dans l'irréel et l'onirisme complet. Peut-être aurait-il mieux valu ne pas changer de ton dans les dernières minutes.
Un film doux-amer, sensible et sympathique, qui touche à l'intimisme sans jamais se vautrer dans le pathos. Quelques imperfections tout de même, mais un résultat surprenant qui se hausse bien plus haut que les téléfilmo-hygiéniques Choristes. Dommage que le succès en salle semble absent.