Les temps modernes
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 28/02/2003 (L'Humanité à la poursuite du bonheur...
La très grande crise économique de 1929 et son cortège de drames et de misères inspirèrent à Charlie Chaplin Les Temps Modernes. Une oeuvre clairement engagée, une satire pour le moins virulente du monde moderne, de l'industrialisation, du travail à la chaîne, du Taylorisme et de la dangereuse progression de la robotisation des usines. Charlie Chaplin refuse que l'homme ne soit purement et simplement asservi à la machine et au rendement. Les quelques premiers mots du film nous plongent d'entrée dans un univers d'ironie flagrante et de critique acerbe sans concession. Au risque de déplaire à certains : La grandeur de l'industrie, la beauté de la libre entreprise. L'Humanité à la poursuite du bonheur.
Charlie Chaplin interprète comme à son habitude, un certain Charlot, un ouvrier d'usine. Un parmi tant d'autres. Il est assez maladroit, à la fois effronté et astucieux. Il passe ses journées à visser, jusqu'au jour où, après être accidentellement passé par tous les rouages d'une machine-outil, il perd la raison.
De son côté, et comme beaucoup d'autres, la Gamine tente désespérément de faire subsister sa petite famille. Elle multiplie sans relâche les vols en tous genres. Au risque d'être condamnée.
Bientôt, leurs destins vont se croiser.
Charlot reste égal à lui-même dans ce film où il multiplie les mimiques en tous genres, les acrobaties et les gestes toujours très expressifs dans le but de faire rire tout en faisant prendre conscience à son public de la réalité des injustices et des drames qu'il présente dans son film. Le personnage de Chaplin, né vingt ans auparavant, prend dans Les Temps Modernes une dimension particulière, nettement plus forte: il est plus que jamais le symbole de l'individualité triomphante et il s'oppose avec véhémence à l'adversité et à la persécution. Son pamphlet contre une société qui n'est plus humaine, où la survie de chacun n'est plus assurée et où les vraies valeurs de la vie semblent avoir disparues de la circulation, est avec Le Dictateur l'exemple le plus criant d'oeuvre cinématographique engagée. Une oeuvre que Chaplin n'était pas obligé de faire, car une telle expérience comportait des risques pour lui. Mais une oeuvre qu'il a quand même tenu à faire lui-même à cause de son origine sociale très modeste et de son succès, pour le moins ahurissant, amorcé vingt ans auparavant.
La Gamine est le second personnage de ce film. Interprétée par Paulette Goddard, avec qui Chaplin aura d'ailleurs une liaison, elle est la jeunesse et l'insouciance vis à vis du danger. Elle aurait pu inventer le célèbre Carpe Diem s'il n'avait pas déjà été prononcé. Elle agit sans trop réfléchir, mais son pragmatisme et son goût pour la vie sont pour le moins émouvants.
Les Temps Modernes est un chef d'oeuvre incontesté du cinéma mondial. Boudé par les autorités américaines, qui voyaient en son auteur un communiste et en ses propos, ceux d'un fidèle de Trotski, ce film fut même interdit de diffusion dans toute l'Allemagne Nazie et l'Italie Fasciste. Reste que son succès retentissant à Paris et à Londres suffit à en faire d'emblée un classique du genre. Ce film est à voir et à revoir. A comprendre et à interpréter. Car plus de soixante ans après, les messages qu'il véhicule ne sont toujours pas démodés. Loin de là.