8.5/10Shine a Light

/ Critique - écrit par athanagor, le 30/03/2008
Notre verdict : 8.5/10 - Quatre darons hors du temps (Fiche technique)

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Si vous êtes un sympathisant du rock'n'roll, vous ne regretterez pas la balade. Vous pourrez même affirmer, en sortant de la salle : « j'ai été à un concert des Stones ! ».

Vous qui ne pouvez pas supporter les Rolling Stones, qui pensez que plus ça va, plus ces reliques d'un autre temps sont complètement ridicules, qui en avez marre de cette forme de respect absurde qu'on voue à des sexagénaires gigotant sur de la musique à papa, passez votre chemin. Rien pour vous en ces murs.

Si, par contre, il vous est arrivé une fois dans votre vie de fredonner I can't get no satisfaction, Sympathy for the devil ou Jumpin' jack flash, juste parce que vous l'aviez entendu en prenant votre douche ; si vous admettez volontiers que les Stones ont quand même pondu pas mal de standards intemporels, ou si tout simplement, vous êtes un sympathisant du rock'n'roll, vous ne regretterez pas la balade. Vous pourrez même affirmer, en sortant de la salle : « j'ai été à un concert des Stones ! ».

Martin Scorsese, en filmant les Rolling Stones pour ces deux concerts intimistes des 29 octobre et 1er novembre 2006, au Beacon Theatre de New-York, en plus de simplement réaliser ce qui semble être un rêve d'adolescent, rend également
un hommage d'un pilier du cinéma à une des légendes du rock'n'roll, en mettant tout le talent dont il est capable au service de l'évènement. Hommage pour services rendus certes, pour les titres dont le cinéaste a pu émailler ses œuvres, mais aussi pour la complicité et les similitudes de genres et de caractères que peuvent partager ces deux entités, appartenant à la même génération (Scorsese n'a que huit mois de plus que Jagger).

Non content de placer ses caméras aux endroits stratégiques, Scorsese, qui n'en est pas à son premier "film musical" (de 1963 à 2008, il réalise ou intervient sur pas moins de 13 projets du genre, et notamment comme monteur et assistant réalisateur sur Woodstock de Michael Wadleigh) supervise tout le concert. Du projet à la réalisation, le tout à la grande inquiétude de Jagger, qui ne pense pas en termes d'image mais de son (le début illustre d'ailleurs d'une façon plutôt amusante cette opposition de point de vue), Scorsese parvient à un résultat étonnant. Saupoudré d'images d'archives, suffisamment rares pour ne pas être ennuyeuses, et choisies avec un certain goût pour les situations absurdes qui ont parsemé leur carrière, ce film immerge totalement le spectateur, au point de lui donner envie d'applaudir à la fin des chansons. Cette magie est le fruit d'un montage intelligent, aussi bien au niveau de l'image (David Tedeschi), toute en accord avec la couleur des morceaux et qui dirige le regard des caméras là ou on aimerait bien voir, qu'au niveau du son (Bob Clearwater, Tom Fleischman) qui accentue le relief des prises de vue.

Au final, on reste ébahi par l'énergie hallucinante que Mick Jagger (63 ans au moment des faits) est capable de déployer sur une scène. Dansant, courant, ne laissant aucun doute sur sa capacité à faire hurler n'importe qui, entre des draps sales, dans un motel miteux de Philadelphie, et collant dix fois la honte à nombre de chanteurs soi-disant de rock qui ressemblent plus, à bien y regarder, à des hamsters neurasthéniques. C'est à ce monstre que viennent se frotter Jack White pour Loving Cup et Christina Aguilera, pour le coup, pas du tout hors sujet, et qui donne un petit goût de Tina Turner à Live With Me. On retrouve également Buddy Guy sur Champagne and Reefer de Muddy Waters, qui fait exploser la sono dès qu'il se met à chanter, et ce sans effort apparent, et à qui Keith Richards offre sa guitare, car de toute évidence il la mérite plus que lui.

Ce sont donc deux heures de spectacle qui mêlent le talent de prendre aux tripes comme si on y était et donnent l'opportunité de comprendre un peu ce qui fait la force des Stones. Ce n'est pas la technique musicale, car dans ce registre, seul Ron Wood vaut vraiment quelque chose, mais c'est le plaisir évident qu'ils prennent à simplement faire de la musique, et à la faire pour les autres. On finira par regarder, avec une ferveur sans borne, Keith Richards foirer lamentablement ses deux solos sur Sympathy for the Devil, mais le faire avec tant d'assurance, d'aplomb et de conviction qu'on se surprend à dire « wouah, ça sonne ! », alors qu'il est complètement armoire. Ce plaisir et cette énergie donnent au final une vraie envie d'avoir Mick Jagger pour grand-père et Keith Richards pour grand-mère, même si le repas du dimanche doit se terminer sous la table parce que mamie a trop la tremblote pour cuire les steaks qui vont avec le whisky. Alors on espère qu'elle sera toujours là dans dix ans avec papy Mick, tonton Ron et tonton Charlie, pour continuer à faire ce qu'ils adorent faire aujourd'hui, car Dieu sait qu'il le font diablement bien, et qu'au passage ils continuent le repas alors que beaucoup sont partis faire la sieste.