Mike Mendez : Serial Killers / Le Couvent
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 23/12/2003 (Tags : film mendez couvent mike killers cinema films
Critique de Serial Killers et du Couvent
Réalisateur aux films atypiques, Mike Mendez est un bien curieux personnages qui exerça un peu toutes les fonctions sur les plateaux de cinéma avant de passer officiellement à la réalisation. A son actif, quelques courts métrages et les deux longs qui nous intéressent aujourd'hui : Killers, retitré Serial Killers dans nos contrées, datant de 1996 et Le Couvent, qui voit le jour en 2000.
Entamons sans plus tarder avec Killers.
Autant ne pas mâcher ses mots et le dire sans autre forme de procès : Killers impose d'emblée ce qui se révèlera être une sorte de marque de fabrique de Mendez, à savoir d'énormes espoirs torpillés en quelques secondes par une mise en scène des plus brouillonne. Pure production de série B, Killers trouve une filiation directe avec des films tel qu'Une Nuit en Enfer. Partant d'un postulat des plus sérieux et des plus inquiétant, le premier opus de Mike Mendez bascule tout d'un coup dans une folie furieuse pour notre plus grand bonheur. Ainsi, nous suivons un peu hébétés les mésaventures des frêres James, deux psychopathes évadés du couloir de la mort, qui auront la mauvaise idée de prendre en otage une famille qui se révèlera pire qu'eux deux réunis. Un huis clos qui se terminera dans le sang, la poudre, la sueur, la testostérone, bref, dans une barbarie des plus jouissive, comme il sied à ce genre de production. Mais il y a un mais. Mendez a beau citer Rodriguez ou Tarantino, il n'est aucun de ces deux. Je ne demandais pas du John Woo, mais un peu de rythme dans les scènes musclées aurait été du plus bel effet. Si la première partie, calme et psychologique est réellement passionnante, la léthargie s'installe quand les choses commencent à bouger un peu. Le constat est clair : Mendez ne sait pas filmer un flingage, et à partir de là, il n'y a guère que quelques moments de pure folie et une poignée de plans dont on se ferait bien un T Shirt qui viennent rattraper de justesse Killers au dessus du précipice du navet, le reposant in extremis sur la colline du Bis Pop-corn.
Perpétuellement à cheval entre le grotesque et le superbe, Killers se laisse regarder, sans plus. D'autant plus dommage que le premier film de Mendez avait tout pour remporter les honneurs : des tueurs maquillés au design extraordinaire, un sérieux bienvenu, une violence des plus efficace, une histoire propice à l'hystérie sans concessions, une atmosphère glauque, une fin extraordinaire...Sans parler de belles références de-ci de-là. Citons par exemple cette scène superbe digne d'un western où les deux tueurs, artillerie lourde et mâchoires serrées, marchent côte à côte vers "l'ennemi", dans une magnifique lumière bleutée.
C'est un énorme sentiment de gâchis qui subsiste à la fin du film et la réalisation n'y est pas innocente. Du plus, le scénario de Killers, qui a toutefois l'avantage d'exister, s'encombre de passages peu clairs qui achèvent de pourrir ce film si prometteur. Mais aussi décevant soit-il, Killers a toutefois le mérite de combler une soirée si tant est que l'on soit bon public à ce genre de cinéma. Et on se consolera tout de même devant les acteurs qui eux sont réellement extraordinaires, la bonne sale gueule des frères James et surtout les dialogues ciselés qui se dotent de quelques bons mots bien sentis.
Après avoir quitté les frères James, il est temps pour nous d'aborder les grilles du Couvent, deuxième film de Mike Mendez.
"Qu'est ce que tu as encore loué là, Lestat !? " C'est la question silencieuse que je lut dans le regard mi larmoyant/mi colérique de mon fidèle lecteur DVD, qui, devenu tout pâle, semblait avoir du mal à ingurgiter ce que je venais de lui glisser dans le chariot. Avec le Couvent, force est de constater que la question n'est pas inutile.
Après le B, Mike Mendez descend de quelques lettres pour nous livrer une sorte de série Z des plus déjantées.
Les films de fin d'alphabet, on peut pas dire que je crache dessus. Ce qui n'empêcha pas le Couvent de me laisser quelque peu perplexe. Imaginer qu'un réalisateur fume trois pétards, prenne un sachet d'exta et profite de la promo sur les éclairages ultraviolets et le pot familial de peinture rouge pour répondre à un pari stupide d'un pote encore plus défoncé que lui : réaliser un film avec le budget d'un abonnement à Pif Gadget (qui servira au passage pour les effets spéciaux) en fermant les yeux et une main dans le dos. C'est un peu la chose que nous a livré Mendez...
L'histoire ? c'est assez simple, elle met en scène une bande de stéréotypes ambulants (une pom pom girl blonde, son copain footballeur, la fille gothique rejetée, la fille "diférente" qui veut être populaire, le coincé-souffre douleur et j'en passe ...). Trois lignes de scenario plus tard, voila que la joyeuse troupe part forniquer et fumer de l'herbe dans un vieux couvent, pendant que trois satanistes pratiquent des rites foireux qui réveilleront les nonnes-fantômes du saint établissement. Voyant ses camarades se faire transformer en carpaccio, l'héroïne (il en faut bien une), part ventre à terre chercher refuge auprès de la légende urbaine locale -une femme seule qui à force de "on dit" s'est mise à dos tout le quartier- qui en outre de posséder dans ses placards un arsenal à faire pâlir Duke Nukem, semble en savoir un sacré bout sur ce fameux couvent. Encore quelques coups de kalachnikov et le film s'achève après un coup de théâtre d'un ridicule des plus exquis.
Sur le papier, le postulat est assez alléchant et dans l'ensemble, le "film" est assez sympa. C'est volontairement très mauvais, c'est assez bon enfant, bourré de clichés et pour couronner le tout, des références assez agréables : Troma (des nonnes-zombies, tout de même...), un clin d'oeil parodique à Scoo-Bidoo et cerise sur le pancake, deux guest-stars de choix : Adrienne Barbeau, vielle routière du cinéma de genre (on la retrouve chez Carpenter, chez Craven ou encore dans une floppée de productions Bis ou Z ) qui nous offre une belle prestation en flingueuse de choc désabusée et le rappeur Coolio, à mourir de rire dans son rôle de flic gueulard. Seulement voilà le Couvent ne s'apprécie que rarement à sa juste valeur. Tout d'abord, il faut bien être dans le trip de Mike Mendez (voir dans le même état que lui ? ) pour prendre un réel plaisir aux effusions de sang ultraviolet et autres effets surréalistes qu'il nous sort et ensuite, et, c'est là le problème majeur, la réalisation a bien du mal à suivre ce qui se passe à l'écran.
L'intro du film, que n'aurais pas reniée Tarantino (toujours lui, décidement...), est une excellente trouvaille visuelle, mais aurait gagné à être plus nerveuse. Ce constat s'applique à chaque scène qui bourrine un peu. Autant les moments de pures comédies, comme l'hilarant rite satanique, font mouches à tout points de vue, autant les moments d'actions brutes se révèlent assez mornes. L'ombre du semi-ratage de Killers plane et fait que ces mêmes erreurs font encore plus peine à voir. Une fois de plus, dommage, mille fois dommage.
Au niveau des Zèderies, on retiendra quelques bonnes idées, comme ces zombies qui marchent en accéléré (il ne manque que la musique de Benny Hill...), du sang fluo qui gicle en petit geysers bien pitoyables ou un recyclage de scène assez flagrant. Hélas, tout ceci tombe un peu à plat. Il manque quelque chose, c'est indéniable. Du rythme peut être ? Mendez essaie tant bien que mal d'incruster un esprit loufoque à son grand n'importe quoi, mais rien y fait, ça ne transpire pas. On appréciera l'effort, on baillera devant le résultat.
Le Couvent est une sorte de nanar volontairement naze, parsemé de bonne humeur, de bonne volonté et d'irrésistibles instants de délire, malheureusement gâché par un perpétuel sentiment de "Private Joke" et une mise en scène perfectible. Indéniablement, cette chose gagnerait à être revu dans de bonnes conditions, c'est à dire tard dans la nuit, après une fête bien arrosée.
Deux films plus tard, que retenir de Mike Mendez ?
Trois choses sont sures : dans la comédie, il excelle, dans le thriller psychologique, il tient en haleine, dans l'actionner nerveux, il s'embourbe.
Dans son registre, Killers avait tout pour devenir un classique s'il ne s'était pas rétamé de la sorte. Mieux traité, le Couvent aurait pu figurer sans rougir aux côtés des grands du Z. C'est rageant. Les deux films ont au moins pour eux de s'immiscer dans des registres peu communs et d'offrir tout de même quelques instants de franche rigolade. Quand à Mendez, même si ses oeuvres à un moment ou un autre partent en queue de poisson, il faut bien lui reconnaître une certaine attitude de fan et le courage de se faire plaisir avec des films marginaux. Nul doute que le bonhomme a du connaître son lot de galères pour mettre au monde ses projets et je suis malgré tout curieux de voir que qu'il nous sortira pour le troisième.
C'est avec plaisir que j'aurai mis des notes plus hautes à ces deux films, ne serait-ce que par respect pour le genre. La moindre des choses est de rappeler que Killers et le Couvent ont respectivement été présentés à Sundance et à Gerardmer dans le cadre des festivals du même nom et que Mendez fut pressenti pour réaliser Sleepy Hollow. Preuve du potentiel indéniable de ce réalisateur qui, espérons le, finira par trouver son genre de prédilection...