Un roi à New York
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 18/02/2003 (
Charlie Chaplin, accusé d'être un sympathisant communiste, est interdit de séjour aux Etats-Unis à partir de 1952. L'acteur, qui a toujours été encensé en Europe, décide de s'y réfugier une bonne fois pour toutes. Il tourne Un Roi à New York en 1956 à Londres. Ce film devait d'abord être une comédie musicale. Mais étant donné la gravité des thèmes abordés, et l'odieuse caricature qu'il y fait du pays qui avait pourtant appris à l'adorer et qu'il avait aussi appris à aimer, ce genre n'était pas très approprié.
Le roi d'une petite monarchie européenne en pleine révolution s'installe contraint et forcé aux Etats-Unis pour reprendre une vie paisible. Il est très vite ennuyé par la presse, la publicité, toutes les étranges coutumes du Nouveau Monde et la Commission des Activités Anti-Américaines.
Un Roi à New York prend le temps de montrer au grand public et sans trop de délicatesse toute la haine et la rancoeur de Chaplin envers son ancienne terre d'accueil. Sans trop de délicatesse, Chaplin dresse un portrait assez peu orthodoxe de l'Amérique Maccarthyste qui l'a chassé sans véritable motif hors de ses frontières. Le film est une virulente satire du système politico-économico-socio-culturel des Etats-Unis, de ses us et coutumes pas toujours très orthodoxes, de ses cruelles injustices et de la malhonnêteté de certains de ses protagonistes.
Chaplin n'est plus Charlot, mais son esprit demeure. Et les motivations du cinéaste n'ont jamais été si grandes.
Un Roi à New York reçut un accueil chaleureux de Paris et Londres, mais il ne fut diffusé aux Etats-Unis qu'à partir de 1976, et les avant-premières de ce film en 1957 furent purement et simplement interdites aux journalistes américains. Le film n'est pas le plus amusant de toute la filmographie de son auteur, encore que certaines scènes mettant le Roi aux prises avec l'American Way Of Life sont de purs moments de fantaisie grandiloquente, mais il est réjouissant de pouvoir apprécier à juste titre une grande et belle oeuvre aussi complète, cohérente et sincère. Et aussi engagée que le furent Les Temps Modernes et Le Dictateur à d'autres époques.
A noter dans ce film la présence de Michael Chaplin, le fils de... son père.
Si Un Roi à New York n'est pas un film amusant, c'est que l'Amérique représente le monde où l'on s'ennuie. C'est [...] une tranche de vie plus douloureuse que d'autres parce que Chaplin a compris que le problème le plus angoissant de cette époque n'est pas la misère ou le progrès social mais cette destruction organisée de la liberté dans le monde entier bientôt acculé au mouchardage (François Truffaut, Arts, 1957).