Robin des Bois - 2010
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 12/05/2010 (Tags : robin bois film scott cinema ridley films
Sous la caméra de Ridley Scott, Robin des Bois a forcément les traits de Russell Crowe. Et à part ça ? De l'action, de la reconstitution historico-politique soigneuse, et une galerie de têtes raisonnablement connues. Pour l'humour, l'originalité, le film du siècle, on repassera plus tard.
Quatrième collaboration consécutive pour le duo Ridley Scott / Russell Crowe. Les deux hommes s'apprécient à un point tel qu'on se demande quel rôle le premier offrira au deuxième dans sa préquelle d'Alien en préparation. Parce que franchement, pour bander l'arc de Robin des Bois, le nom de Crowe ne semblait
pas s'imposer de lui-même, d'autant que le scénario se penche sur les "origines" du personnage, un concept hautement apprécié depuis une dizaine d'années. On s'amusera de constater que Russell Crowe incarne ce jeune Robin à 45 ans, précisément l'âge qu'avait Sean Connery lorsqu'il jouait un vieux Robin dans La rose et la flèche. Tout est relatif.
Au fil des ans, Robin des Bois s'est appelé Locksley, Loxley, Huntigdon, de Courtenay, Hode... Aujourd'hui, on nous apprend qu'il s'appelle Longstride. Une variation parmi d'autres au milieu d'une histoire qui ne se raccorde à aucune autre version, tout en étant présentée comme le début des aventures du héros. Après tout, il n'est pas interdit de réinventer les légendes, mais on est en droit de se demander ce qui motivait Ridley Scott dans sa réalisation d'un nouveau film consacré au sujet : son Robin n'est pas un noble insurgé mais un simple archer du roi Richard, il ne vit pas dans la forêt, et l'antagoniste n'est pas le prince Jean mais un félon du nom de Godfrey (Mark Strong, dans son troisième rôle de super-méchant depuis le mois de février, est un des meilleurs éléments du casting), qui fricote avec les Français pour fomenter l'invasion de l'Angleterre. A l'origine, le projet s'appelait Nottingham et devait avoir pour personnage principal le shérif, dont la quasi-absence au final permet de mesurer l'ampleur des changements survenus entre-temps. Mais le plus surprenant, finalement, ne réside pas tant dans les différences de scénario que dans le ton du film : contrairement aux précédentes versions (jusqu'à la récente série de la BBC), Robin n'est pas un joyeux luron adepte de la fanfaronnade et de l'espièglerie ; malgré les efforts de ses camarades (parmi lesquels on aperçoit Scott Grimes, l'insupportable rouquin des dernières saisons d'Urgences), Russell Crowe se contente de tirer une gueule de six pieds de long du début à la fin, soupirant sur la difficulté d'exister dans cette Angleterre médiévale où les petits, les obscurs et les sans-grades vivent dans la misère. Pour un peu, on soupirerait avec lui, d'autant que le soleil semblait ne pas exister à l'époque (apparemment, on était tout juste éclairé par la lune, le jour comme la nuit).
Malgré le manque de fantaisie et d'esprit de rébellion qu'on attend traditionnellement d'un film de Robin des Bois, on ne s'ennuie pas vraiment au cours des 2h10 de reconstitution historique presque crédible (exception faite des coiffures et de quelques dentitions étincelantes) qu'offrent Ridley Scott et son équipe. Les batailles sont épiques (mais souvent trop longues), et les péripéties de la maison royale permettent au Prince Jean d'apparaître comme le personnage le mieux écrit de tous. Mais surtout, la relation entre Robin et Marianne (Cate Blanchett), au-delà du plaisir qu'elle procurera au public australien tout fier de voir ses deux vedettes réunies à l'écran, bénéficie d'une délicatesse de traitement qui fait oublier son évident manque d'originalité.
Probablement destiné à grossir bien vite le rang des Robin des Bois qui n'ont pas marqué leur époque, cette livraison 2010 laisse cependant entrevoir le temps d'un magnifique générique de fin, ce qu'il aurait pu offrir en termes d'esthétisme si son réalisateur s'était passionné un peu plus pour son ouvrage, au lieu de se contenter de quelques tirs de flèches au ralenti.