8/10Le quatrième homme

/ Critique - écrit par knackimax, le 03/05/2008
Notre verdict : 8/10 - Le quatrième c'est souvent le dernier (Fiche technique)

Film ambigu et savoureux, mélant angoisse et charme dans une intrigue simple mettant en scène des personnages tordus. La peur de la vie est égale à la peur de la mort et chaque jour l'un ou l'autre arrive. Une oeuvre sensible et angoissante sur les choses qu'on ne comprend pas même au cinéma. 

Un jeune écrivain hollandais bisexuel et tourmenté se rend dans une petite ville de province pour effectuer un séminaire sur ses écrits. Il y rencontre une jeune millionnaire qui l'invite à rejoindre sa couche. Il se rend compte alors que cette femme mystérieuse est intime avec un jeune homme après qui lui-même court avec ardeur. Il décide de rester pour le weekend dans le but de rencontrer ce garçon musclé et viril qui hante ses rêves. Il découvrira surtout une histoire sordide : celle de la riche veuve dont les trois précédents maris sont mystérieusement décédés. Mais qui sera le quatrième homme de sa vie ?

Jeroen Krabbé est ici utilisé à contre-emploi de son rôle dans Le choix du destin. Là où il était propre, droit et aristocratique il devient presque laid, sale et mentalement perturbé. Il se fond dans ce nouveau masque avec une aisance aussi perturbante que louable et apporte un monde de sentiments cachés sur un plateau d'argent au réalisateur qui sait une fois de plus choisir ses talents et les exploiter au mieux de leurs performances.

Mais ce film est avant tout un cimetière de thèmes rangés dans un désordre d'une clarté absolue mise en parallèle de la folie d'un personnage dont l'âme s'est depuis longtemps envolé et qui découvre la peur de la mort alors que sa vie ne vaut plus rien. Les pages qu'il est sensé remplir pour écrire son histoire se tachent du sang de son innocence retrouvée. Une fois de plus la mort, la passion, la violence et la peur sont les éléments majeurs d'une mise en scène angoissante que le réalisateur connait bien. Elle dépend toutefois d'un travail de réalisation bien différent du réalisme à outrance ou du décalage surréaliste qu'on reconnaît à Paul Verhoeven. L'anticipation des rapports malsains qui se tissent entre les protagonistes et leur évolution morbide nous rapprochent de l'œuvre d'un roman de Stephen King. Le traitement est assez différent de ses autres œuvres pour réagir à l'inverse de sa pulsion narrative habituelle. Ici tout le travail est fait sur l'ambiance et l'insécurité mettant le spectateur dans une position de visiteur importun ou de lecteur avide, laissant ses réactions se définir selon son rapport aux différents thèmes et à leur mise en situation.

L'atmosphère lourde qui se dégage de ce florilège de symboles est des plus perturbante et met le spectateur mal à l'aise dans cette situation sans issue où le personnage principal s'embourbe avec délectation pour se rendre compte de son malaise une fois qu'il est trop tard. La vision de ce film presque 25 ans plus tard fait penser à un excellent épisode des Contes de la Crypte ou bien et à plus juste titre à Basic Instinct. De fait, il s'agit exactement d'un coup d'essai transformé dès la première bouture. Les ingrédients y sont déjà tous présents. Une sexualité d'une incroyable sensualité et notamment une scène de chevauchement par une blonde ce qui risque de ne pas être un hasard d'après mes calculs, une homosexualité latente, une riche veuve sans scrupules, une enquête moins policière que psychologique et intéressée... Certes il n'y a pas de pic à glace mais tout de même.

Cette histoire aux reflets de rêves freudiens possède un traitement étrange et délicat mêlant l'absurde à l'agréable. Gérard, auteur maudit, rêve éveillé et confond ses fantasmes de mort avec ses désirs. Ses absences se mettent alors en parallèle d'une histoire bien réelle qui l'emmène loin de sa situation initiale. Pas de réalisme ici si ce n'est le nom des villes que le héros parcourt, mais un fort sentiment de génie à l'approche d'une orchestration magistrale. Un regret quant à la VF toutefois qui alourdit le texte de manière incommensurable. La VO est cependant assez difficile à soutenir pour certains. On ne saura donc quoi choisir, mais à regarder pour sûr car il s'agit du dernier événement dans la période européenne de Paul Verhoeven avant 25 ans. Un dernier témoignage d'auteur donc, malgré le souffle personnel qu'il a pu insuffler aux productions hollywoodiennes qu'il a réalisées.