7/10Prisoners, futur film culte ?

/ Critique - écrit par Loïc Massaïa, le 18/10/2013
Notre verdict : 7/10 - Faut bien vendre son film, hein (Fiche technique)

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Vendu comme le meilleur thriller depuis Seven, comme étant aussi marquant que Le silence des agneaux, Prisoners se trouve être au moment de sa sortie LE film à voir. Celui qui dans quelques années deviendra très certainement aussi culte que les titres mythiques auxquels on le compare. Malheureusement, l'avenir du film risque de pâtir d'une telle réputation s'il déçoit les spectateurs. Alors qu'en est-il ?


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Une chose frappe très rapidement, c'est la sobriété. Habitué que nous sommes à désormais subir de longs clips stylisés remplis de tics hypes, et de mouvements de caméra fortement prononcés, regarder Prisoners devient une expérience presque déstabilisante. Pourtant, on se rend compte rapidement que ce classicisme sert parfaitement le film.  Comme quoi, avec un bon scénario et de bons acteurs, une réalisation discrète permet de mettre en valeur ceux-ci. C'est à se demander à quel point beaucoup de films contemporains tentent de cacher la misère derrière de grands effets ostentatoires et des effets spéciaux "coup de poing".


Hugh Jackman est vénère.

Mais là où le bas blesse, c'est que Prisoners ne parvient jamais à réellement surprendre, ni à véritablement glacer le sang, ni à créer de vraies scènes marquantes. Ce qui lui ôte de facto tout son potentiel "culte". Les comparaisons avec Le silence des agneaux et Seven apparaissent au final comme étant clairement un traitement marketing, bêtement restranscrites par quelques critiques cinéma véreux ou feignants de la presse "standard". Car ce qui fait que ces deux célèbres références ont marqués leur temps, c'est la glaçante fascination que pouvait susciter le serial killer, symbole du Mal absolu. Rien de tout ça ici, aucune fascination, aucun sadisme, aucune vision d'un Mal incompréhensible. Finalement, tant mieux, car la différence et la grande subtilité du film est là : tous les personnages ont une véritable "motivation" (on n'est pas dans la folie quasi mystique des films sus-cités), et le comportement le plus douteux ne vient finalement pas du "méchant" du film, mais du personnages d'Hugh Jackman, père d'une des fillettes disparues, parti dans une quête personnelle, aux méthodes immorales. Le scénario questionne les notions de bien et de mal, et des limites qu'on veut bien leur donner, et c'est là précisément qu'il puise son plus grand intérêt.


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Mais, cette dimension, qui aurait pu passer comme novatrice et culottée, ne parvient jamais à s'extirper d'une légère impression de déjà vu qui colle au film pendant toute sa durée. Car si le marketing entourant le film tente de nous faire croire que depuis Seven il n'y a rien eu, c'est clairement oublier au moins deux films dont Prisoners est bien plus clairement l'héritier : Mystic River (Clint Eastwood) et Zodiac (David Fincher). On pourrait aussi citer toute une palanquée de thrillers sud coréens, tous plus fantastiques les uns que les autres (Memories of murder et The chaser en tête), qui sont toujours injustement oubliés. Ceci est bien embêtant, car intrinsèquement, le film est bon. Immersif, au rythme subtilement dosé et à l'interprétation de qualité (à titre personnel, j'ai plus été surpris par Gyllenhal, dont la sobriété du jeu n'empêche aucunement sa présence de crever l'écran), tout est là pour mettre en valeur un scénario plutôt bien écrit. Mais voilà, il ne brille pas non plus par son originalité, et est finalement un peu court (malgré les 2h33 au compteur) pour bien exploiter toutes les intéressantes pistes abordées dans l'histoire, le réalisateur délaissant d'ailleurs totalement tous ses personnages secondaires, faisant vivre seulement les deux stars de l'affiche. On en vient à rêver de ce que tout ça aurait pu donner en série télé, format qui aurait pu permettre d'approfondir personnages et thématiques.


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Mais la question, au fond, n'est pas de tenter de trouver un quelconque potentiel culte à Prisoners, mais bien de voir si le film est bon. Et force est de constater que malgré les quelques défauts suscités, on ne voit pas le temps passer. Proche des deux personnages principaux, la mise en scène ne lâche jamais son sujet, pose les bonnes questions au bon moment, et le tout trouve un équilibre rythmique absolument parfait. Au final, si le métrage n'a pas un grand potentiel culte, ni un grand potentiel de revisionnage d'ailleurs, on prend un véritable plaisir à regarder un film comme celui-ci, un polar psychologique comme on n'en fait plus. Et on se dit qu'on aimerait en voir plus souvent.