Philadelphia
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 25/07/2003 (Tags : philadelphia national philadelphie park city nord ers
Andrew Beckett est un brillant avocat, appelé à suivre une carrière d'exception. Si bien que ses associés décident de lui confier un dossier éminemment important pour leur agence. Seulement, le jour où ceux-ci apprennent qu'Andrew est atteint du virus du sida, ils ne tergiversent pas bien longtemps et le renvoient. Ils justifient leur acte par une prétendue faute professionnelle. Bientôt, Andrew s'adresse à plusieurs avocats de Philadelphie, parmi lesquels le très médiatisé Joe Miller, afin de présenter à la Cour les responsables de cette sordide affaire de licenciement abusif.
Depuis l'apparition des toutes premières réalisations cinématographiques, le but inavoué de tous les cinéastes a toujours été d'émouvoir, de tout mettre en oeuvre pour prendre chaque spectateur par la main et le sortir de sa torpeur quotidienne en le rendant psychiquement actif d'une façon ou d'une autre. A partir de là, plusieurs styles sont apparus tour à tour, si bien que le cinéma ne s'est jamais véritablement laisser embourber par une complaisance quelconque. Le septième Art a toujours su se renouveler tout au long de son histoire à travers le génie de plusieurs de ses illuminés. Si bien que le cinéma a toujours été une activité, une pratique particulièrement appréciée du grand public, puisque éternellement variée, régulièrement intéressante et finalement assez abordable pour Monsieur et Madame Tout-le-monde.
Philadelphia n'est ni une comédie dramatique ni un drame plutôt amusant mais bien une oeuvre purement et simplement dramatique. Elle met en scène un jeune homme, qui sombre tous les jours un peu plus vers sa propre disparition. Ce jeune homme est un éblouissant homme de Loi, que ses proches adorent, que ses employés adulent et que ses confrères ont appris à respecter à sa juste valeur. Ses honorables associés n'entendent cependant pas garder auprès d'eux bien longtemps un homme aussi peu recommandable, puisque malade, physiquement affaibli, moralement instable... et homosexuel, par-dessus le marché. Son licenciement le renvoie auprès d'un avocat qu'il a déjà dû affronter et dont il n'apprécie pas tellement les manières. Dès lors s'engage un véritable combat et la descente aux enfers du héros laisse place à une bataille juridique pour la reconnaissance de ses droits, de son formidable talent mais aussi de sa condition d'homme et de l'honneur qu'il est en droit d'attendre d'une société qui se dit civilisée.
Il serait totalement inadapté de reprocher aujourd'hui au film les nombreux clichés qui le parcourent de bout en bout. Les temps changent, voilà tout. Et Philadelphia était un film à faire, puisque aucune autre tentative n'avait été entreprise jusque là pour que le sida soit un jour sous le feu des projecteurs. Certes, la musique, la mise en scène et le jeu de certains acteurs accentuent parfois assez péniblement l'aspect dramatique du film. On devine aussi assez aisément la quasi-totalité de l'intrigue dès les quelques premières prises de vue. Mais l'émotion qui se dégage de cette oeuvre parfaitement achevée est intacte. Philadelphia est une incroyable prouesse, terriblement sincère, aussi merveilleuse que bouleversante sans être pour autant une expérience totalement désespérante. Philadelphia est plutôt une ode à la tolérance, à l'amour et à la magnificence de la vie dans sa globalité. La scène au cours de laquelle les deux principaux protagonistes se laissent emporter par les quelques notes d'un opéra de Umberto Giordano et par cette formidable interprétation de Maria Callas est en tout point admirable : parfaitement orchestrée, cette scène est un invraisemblable dialogue de sentiments qui laisse entrevoir tout cet amour qu'Andrew porte à la vie. Ce bref passage parle de lui-même : Philadelphia n'est en aucun cas une initiative cinématographique désespérément traumatisante, puisque Jonathan Demme met en scène la mort d'Andrew comme il porte à l'écran la renaissance de Joe. En somme, Ron Nyswaner a opté pour la plus abominable des maladies pour faire de son Philadelphia une formidable initiation à la vie.
Au-delà de cette folle interprétation scénaristique, Philadelphia ne serait certainement pas aussi convaincant sans son célèbre duo d'interprètes : Tom Hanks et Denzel Washington, plusieurs fois encensés pour leurs performances cinématographiques. Quant à la jolie contribution musicale de Bruce Springsteen pour ce film, elle est mondialement reconnue. Et encore une fois, au-delà de tout ce bla-bla sans véritable intérêt, Philadelphia est un récital d'une grande pureté, une oeuvre à revisiter de temps à autres pour satisfaire ses sens et titiller cette forme d'angoisse profonde que chacun affronte un jour ou l'autre ou bien ne cesse de refouler à sa manière : la peur de l'inconnu.