9/10Peur[s] du noir

/ Critique - écrit par nazonfly, le 28/02/2008
Notre verdict : 9/10 - Exit light, enter night (Fiche technique)

Six plumes couleur de la nuit s'aventurent dans l'animation pour vous offrir vos plus belles peurs.

Six auteurs. Six styles différents. Six histoires en noir et blanc. Mais un seul thème : la peur. La peur qui se cache dans l'obscurité, attendant le moment propice pour bondir.

I am lost but I'm not stranded yet
I am lost but I'm not stranded yet
Mais la peur n'est pas unique. Elle est multiforme et passe-partout. Il y a la peur qui se glisse sous le lit et qui attend la nuit pour gratter, crisser et, qui sait, attaquer pendant le sommeil. Il y a la peur plus primaire de la violence, des crocs et des pattes, des cris d'une meute de chiens-loups aux babines à l'écume terrifiante. Il y a ces peurs venues tout droit de films japonais : des fantômes flottant dans la nuit et un médecin qui s'approche avec son aiguille tremblante. Et cette femme avec son grand couteau, dans sa maison abandonnée. Il y a aussi la peur du croque-mitaine, du monstre inconnu terrorisant la population. Et il y a toutes ces peurs quotidiennes. La peur de vieillir, la peur d'être soi-même, la peur de l'autre. Ces petites peurs qui, assemblées, forment un tout très effrayant : la peur de l'homme moderne.

Peur[s] du Noir mélange allégrement ces peurs, les découpe, les reconstruit en partie, les mélange et les expose. Et comme un artiste combine les couleurs pour créer son tableau, les six histoires différentes, par leur scénario et leurs techniques d'animation, forment une trame générale sur la peur.

S'il te plaît, dessine-moi la peur...

I'm a little pea
I'm a little pea
S'il y a une réelle réussite dans ce film hexacéphale, ce sont bien les styles qui nous sont dévoilés. Même si le point sur lequel s'accordent tous les dessinateurs est le noir, celui-ci se révèle différemment selon les histoires. Il est tantôt brouillon, ensembles de traits gribouillés décrivant le réel (
Blutch), se mélange ensuite sensuellement avec le blanc (Pierre Di Sciullo) ou n'est qu'à peine un faire-valoir à une animation plus classique en niveaux de gris (Marie Caillou). Certains auteurs ont utilisé le logiciel Flash (Richard McGuire), d'autres se sont dirigés vers la 3D (Charles Burns) tandis que d'autres encore se sont simplement contentés de papier et de crayon (Lorenzo Mattotti). Autant de techniques qu'il y a d'univers dans ce film faits à plusieurs mains.

He wore black and I wore white. He would always win the fight.

Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir.
Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir.
Mais ce qui est la grande réussite du film, c'est la partie mise en scène par Richard McGuire. Pour clore Peur[s] du Noir, le monteur a choisi en effet de mettre la partie la plus marquante, mais surtout celle qui donne le plus de place au noir. Le noir n'est plus un artifice un peu vain pour détourer ou entourer. Ici le noir est le protagoniste principal. Plus que cela, le noir est, tout simplement, sans besoin d'être l'antithèse de quelque chose. Le noir n'est pas l'ombre de la lumière, c'est au contraire la lumière qui doit se battre pour exister face à cette obscurité poisseuse qui emplit l'écran. A lui seul, ce court métrage mérite toutes les louanges qu'on peut faire à Peur[s] du Noir tant il semble supérieur à tous les niveaux aux autres.

Fear of the dark, I have a constant fear that someones always near

Sin City, Renaissance ou Persepolis ont redonné goût au public au noir et blanc, mais Peur[s] du Noir va plus loin en explorant plusieurs facettes de ce choix graphique. Et cette exploration se double d'une autre plus intime, fouillant au plus profond de nos peurs, qu'elles soient ancestrales ou nouvellement venues, pour faire ressurgir ces terreurs enfantines qui restent au fond de nous.