Le péril jeune
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 04/07/2003 (Le péril de l'âge adulte
Bruno, Momo, Alain et Léon sont tous les quatre assis côte à côte dans un sombre couloir d'hôpital. Leur copine Sophie est sur le point d'accoucher. Le futur papa, Tomasi, est un ami à eux. Du moins il l'était. Il vient de mourir d'une overdose. Les quatre fantastiques sont donc de nouveaux réunis. Ils évoquent leurs souvenirs communs et repassent en revue leur année du bac au lycée Montesquieu. Toutes les conneries qu'ils ont bien pu accomplir. Les filles. Les cours. Et Tomasi.
Le garçon de café aux cinq rebelles :
- Eh, les demoiselles, il faudrait peut-être penser à renouveler vos consommations ?
- Un café avec cinq pailles... Madame.
Chaque époque a eu droit à ses films phénomènes et à ses phénomènes de société. Des films intelligents qui plaçaient régulièrement l'Homme au centre de tout et qui souhaitaient plus ou moins nous faire prendre conscience de certains dysfonctionnements liés aux temps modernes. Le Péril Jeune fait partie de ces films à succès, Cédric Klapisch ayant opté pour les illusions et prises de conscience de l'adolescence et le passage à l'âge adulte, qui s'avère souvent assez compliqué.
Le Péril Jeune a ceci d'extraordinaire qu'il s'agit d'un film particulièrement simple à la base. Les décors n'ont pas été véritablement soignés. Il n'y a aucun artifice visuel, aucune tricherie d'aucune sorte. Les acteurs, Romain Duris et Vincent Elbaz en tête, sont d'un naturel parfois déroutant, à croire qu'il s'agit là de leur véritable épopée et non d'une retranscription de leur enthousiasme juvénil d'antan. Seulement, chaque souvenir est d'une grande intensité. Chaque séquence est tout bonnement saisissante. On rit aux larmes et puis on verse une larme. L'identification est inévitable. On revoit nos anciens camarades de classe, évidemment. Ceux qu'on a depuis perdu de vue, ceux qu'on fréquente encore. On repense à nos professeurs. Aux plus compétents, aux plus abominables. Entre ce qui défile et ce qui vient d'être dit, tout nous est incontestablement familier.
Sous ses faux-airs d'énième teenage movie, Le Péril Jeune est un film sensible dans la mesure où les personnages n'hésitent pas à se dévoiler. Aucun d'entre-eux ne ressemble vraiment aux autres. Chacun appréhende les évènements différemment. Etant donné que l'adolescence est un passage obligé particulièrement riche en émotions totalement éparses, cet aspect-là des choses est formidablement retranscrit et interprété.
Le Péril Jeune est également un film intelligent, qui aborde et tente de développer bon nombre de réflexions dans plusieurs domaines. Référence aux nombreuses interrogations qu'un adolescent est en droit de se poser, référence à ses aspirations libertines démesurées, à ses caprices, ses fantaisies. Il est question de politique, de réformes sociales et des manifestations qu'elles suggèrent assez régulièrement. On citera en vrac des thèmes aussi dispersés que possible : la position sociale des femmes, les vertus de l'éducation, la véritable amitié, les premières amourettes, la drogue et ses conséquences...
Enfin, Le Péril Jeune ne serait rien sans ses perles d'humour, ses répliques désopillantes et ses situations totalement irrésistibles. Car malgré leurs rares angoisses et appréhensions vis à vis de ce triste avenir qui leur tend les bras, nos cinq cancres savent se détendre à leur manière. On rit de bon coeur grâce à leur remarquable état d'esprit.
Les propos tenus par le professeur de mathématiques lors du fameux conseil de classe résument admirablement tout ce qu'il faut retenir du Péril Jeune, ce que chacun dans son coin aura certainement déjà quelque peu entrevu :
Il est important que les élèves ne pensent pas qu'au bac. Il faut parfois faire des petits détours dans des domaines qui ne sont pas forcément dans le programme. Bien sûr, pour obtenir de meilleurs résultats aux examens. Il faut intéresser le jeune ! N'oublions pas qu'il a 18 ans, il est plein d'une énergie débordante... qui a besoin d'être canalisée mais libérée en même temps! Le jeune est tourné vers l'avenir. Mais aujourd'hui, l'avenir ne se tourne plus vers le jeune. Doit-il aborder l'avenir en lui tournant le dos ?... le jeune ?