Othello - 1952
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 26/11/2005 (Tags : othello welles film orson iago desdemone shakespeare
Othello, le "Maure de Venise", général de la flotte de la cité maritime, a enlevé puis épousé Desdemone, laquelle partage désormais son amour. Il compte parmi ses hommes les plus fidèles Iago et Cassio. Or Iago, le plus fourbe des deux, manipule l'entourage du général, dont il souhaite la perte, et insinue le doute dans son esprit en lui faisant croire que Desdemone lui est infidèle.
Quatre longues années ont été nécessaires pour que l'on soit aujourd'hui en mesure de se procurer en DVD ce monument du septième art. Faute d'argent, son tournage fut particulièrement long et éprouvant. Certains rôles ont même du être joués par plusieurs comédiens, c'est dire. Le montage s'est ensuite étendu sur près d'un an et sa sortie en salles au Etats-Unis a finalement été un échec retentissant. Et pourtant... Ses décors sont grandioses. Ses costumes sont sublimes. La manière dont sont éclairés et filmés ses personnages est absolument irréprochable. Une fois dépassée l'austérité du noir et blanc, on prend conscience du côté visionnaire de ce long métrage, qui ose le dénouement en phase initiale. L'enfermement d'Othello est particulièrement bien retranscrit à l'image. Les plans défilent à une telle vitesse qu'on se croirait attirés par on ne sait quelle force dans la chute du général vénitien. Des dires d'Orson Welles lui-même, Othello a bien failli le tuer. Les musiques de Francesco Lavagnino et Alberto Barberis confèrent au film une ampleur historique. Quant aux comédiens, ils se démènent assez bien malgré la complexité évidente du texte original : l'interprétation d'Orson Welles vient évidemment en tête, une fois de plus, tant elle paraît naturelle.
Malgré les difficultés rencontrées par Orson Welles pour la mise au point de ce long métrage, celui-ci finit par obtenir le Grand Prix du Festival de Cannes 1952 (le cinéaste dut d'ailleurs partager sa récompense avec Renato Castellani et son Deux sous d'espoir). En 1978, un documentaire portant sur le tournage cauchemardesque d'Othello (intitulé Filming Othello) fut également mis en circulation. Ces divers hommages prouvent à qui souhaite l'entendre que ce film ne peut raisonnablement être considéré comme une simple adaptation. Le mot sonne faux, dans la mesure où la pièce de Shakespeare a largement été remaniée. Bon nombre d'éléments ont volontairement été "oubliés". Pour les besoins de l'écran, le déroulement de l'action devait à coup sûr gagner en fluidité. La descente aux enfers d'Othello n'en est que plus vertigineuse... Orson Welles a néanmoins su garder intact l'esprit du texte, ce qui est légitime, ce qui me fait dire que cet Othello-ci est aussi digne de son réalisateur que de son auteur.