7.5/10L'orphelinat

/ Critique - écrit par Lestat, le 09/03/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Adopté (Fiche technique)

Les mystères d'un vieil orphelinat. Touchante histoire de fantômes signée Juan Bayona.

On le sait déjà depuis quelques années, au rayon cinéma fantastique, il se passe quelque chose en Espagne. Et c'est parti pour durer, les Ibères, qui décidément sont des gens biens, s'étant rués en masse pour, si ce n'est soutenir, en tout cas voir L'Orphelinat, premier film d'un illustre inconnu qui depuis n'est devenu rien de moins que le plus gros succès local tout genre confondu (!), raflant au passage sept Goyas. Pour vous donner un ordre de comparaison, en France, cela donnerait "Frontières a battu le record de fréquentation tenu jusqu'alors par La Grande Vadrouille et Xavier Gens et son équipe peuvent désormais être fiers de leur sept Césars, dont celui du meilleur scénario". Espérons que l'on puisse un jour écrire cette phrase pour de bon...

Produit par le débonnaire Guillermo Del Toro, dont le nom ne doit pas être étranger au succès, L'Orphelinat n'est pourtant qu'un film de fantôme. Classique, carré et somme toute assez routinier dans son déroulement. C'est un peu le problème du registre en général : tout a été fait, tout le monde a les mêmes références et il se passera probablement du temps avant qu'un génie ne trouve l'idée qui révolutionnera le tout et inspirera à son tour la profession. On pouvait hélas s'en douter, le film Juan Antonio Bayona n'invente pas l'eau chaude et nous place tranquillement une bicoque sinistre, des portes qui claquent et une météo menaçante, renouant du bout des doigts avec une certaine tradition gothique qui n'est pas sans rappeler celle de Les Autres d'Alejandro Amenabar ou de La Maison du Diable de Robert Wise.

Si le récit est éculé, le traitement est en revanche attachant. Dépouillé d'effets spéciaux et de twists malins, L'Orphelinat se pose comme un film plutôt intimiste et sensible, créant souvent l'ambiguïté quant à son caractère surnaturel. Une belle histoire avant tout, parfois maladroitement traitée (premier film oblige) mais souvent touchante, où l'on retrouve des thématiques, il est vrai, chères à Guillermo Del Toro : l'enfance, l'innocence, la violence du monde, le tout filmé par un réalisateur atteint du même syndrome de Peter Pan que son mentor. Si Juan Bayona tente de mettre paranormal et rationnel sur un pied d'égalité, il nous entraîne malgré lui dans son camp : à voir son film, nul doute qu'il croit fermement au monde de l'Au-Delà. L'Orphelinat permet de renouer avec des sensations qu'on ne retrouve que dans les écrits d'Edgar Poe, celle de se retrouver face à un auteur qui ne raconte pas une histoire inventée de toute pièce, mais se contente de décrire une chose en laquelle il est fortement convaincu. Cette foi imprenable en cet univers qui nous dépasse donne à L'Orphelinat une crédibilité accrue, troublante, dont il est difficile de ne pas tomber amoureux. C'est d'ailleurs paradoxalement ce qui perd un peu le film, scénariste comme réalisateur, emporté par leur propre tourbillon, ne sachant pas vraiment quand s'arrêter. Le cinéma parfois, c'est aussi jouer du ciseau. L'Orphelinat a clairement deux minutes de trop, deux minutes qui, si elles apportent une certaine poésie, surlignent inutilement un dénouement très tendre qui s'imposait pourtant comme une conclusion idéale.

Honnête et réalisé avec élégance, L'Orphelinat contient quelques scènes aptes à faire frissonner -dont une séquence "médium" héritée de Poltergeist-, mais c'est finalement sa portée émotionnelle que l'on retient le plus. D'aucun diront que c'est l'une des rares choses qui distingue L'Orphelinat de ses congénères, ce qui n'est pas faux en soi. Reste qu'il n'est pas interdit de signaler un bon film lorsque l'on en a un sous les yeux. Et L'Orphelinat en est indéniablement un, d'une classe rare et d'une sincérité à toute épreuve.