Orange Mécanique
Cinéma / Critique - écrit par Kassad, le 27/03/2005 (Tags : film kubrick orange alex mecanique stanley violence
Etrange mécanique
Peu de films ont autant porté à polémique qu'Orange Mécanique. Véritable choc au moment de sa sortie il n'a laissé personne indifférent. Chef d'oeuvre pour les uns, justification de la violence et de la haine pour les autres, Orange Mécanique a marqué son époque. Il faut savoir qu'après sa sortie des voyous anglais se mirent à réutiliser les codes esthétiques du film (les faux cils d'Alex notamment). Comme d'habitude la différence entre dénonciation et incitation à la violence est suffisamment subtile pour engendrer des discussions interminables.
Orange Mécanique est une construction géométrique : deux parties symétriques sur les relations entre Alex et la société sont séparées par son passage et sa
rééducation en prison. Alex est le chef d'un petit groupe de vandales. Leurs principales occupations balancent entre la fréquentation des bars et virées sauvages où ils s'adonnent à l'ultraviolence. Alex et ses droogies violent, pillent et tabassent pour le simple "plaisir" de la chose, sans raisons.
C'est sûrement cette absence de raisons qui est la plus dérangeante dans ce film de Kubrick. Le malaise est encore accentué par les aspects poétiques et esthétiques de la mise en scène. L'exemple frappant (douteux jeu de mot en l'occurrence) est la scène où Alex chante "singing in the rain" d'un air joyeux tout en molestant un vieil écrivain et en violant sa femme sous ses yeux. L'effet produit est d'une force incroyable. Le décalage, si grand, si étrange, entre la situation et la réaction d'Alex a peu d'équivalent dans le cinéma. La passion d'Alex pour Beethoven et les grands textes finit d'achever de déstabiliser le spectateur. Non ce voyou sans foi ni loi n'est pas un ignorant, ni un laissé pour compte de la société. Alex n'est pas un simple loubard débile plus proche d'un animal que d'un homme. Il effraie car il s'agit d'une personne raffinée dans ses goûts mais horrible dans sa mentalité.
Le côté mécanique de la construction m'est apparu un peu artificiel par instants. La thèse de Kubrick n'est pas suggérée mais imposée. Par instants, je trouve que ça frise la lourdeur. Attention, je ne juge pas de la profondeur ni de l'importance de la réflexion mais plutôt de son emballage qui n'est pas, à mon sens, à la hauteur. Il reste tout de même la performance extraordinaire de Malcolm McDowell : à elle seule, elle suffit à placer ce film dans le panthéon du 7ème art. Le gardien chef est lui aussi extraordinaire dans sa composition hilarante du fonctionnaire robotisé.
Orange Mécanique est sorti il y a plus de trente ans. Je ne peux que constater que sa force de percussion est restée intacte. Même si l'aspect "téléphoné" de la mise en scène date un peu pour un spectateur du troisième millénaire, l'expression "film culte", souvent dispensée à tort et à travers, n'est pas usurpée. Dans trente ans, on parlera encore de ce film. Le personnage d'Alex est une création géniale, du genre de celle qui ne se renouvelle qu'une fois par décade.