6.5/10Omar m’a tuer : passé recomposé

/ Critique - écrit par riffhifi, le 29/06/2011
Notre verdict : 6.5/10 - Omar aux avocats (Fiche technique)

Roschdy Zem derrière la caméra, Sami Bouajila devant, Rachid Bouchareb en soutien : l’équipe d’Indigènes et Hors-la-loi relance l’intérêt pour le cas Omar Raddad.

L’affaire Omar Raddad, c’est un peu l’équivalent hexagonal de Sacco et Vanzetti : un crime, un suspect facile, et une condamnation que l’on peut imputer en partie à la nature d’immigré de l’accusé. La peine de mort ayant été abolie en France une dizaine d’années avant son procès, Raddad a échappé à l’ironie macabre de bénéficier d’une réhabilitation posthume. D’ailleurs, il est toujours considéré comme coupable par la justice française, et ne doit sa libération en 1998 qu’à une grâce présidentielle. Ayant passé plus de sept ans en prison, qu’il ne récupèrera jamais, il demande depuis plus de dix ans la réouverture de son 16498-omar-ma-tuer-passe-recompose-1.jpgprocès pour être déclaré innocent.

En 1991, Ghislaine Marchal est retrouvée assassinée ; au cours de son agonie, elle écrit le nom de son meurtrier avec son sang, dans un sursaut d’énergie digne du Sacré Graal des Monty Python (« the castle of Aaaarghh »). Son jardinier Omar Raddad (interprété ici par Sami Bouajila) est un coupable tout trouvé, et l’instruction s’appuiera essentiellement sur le fameux message « Omar m’a tuer » (faute de français incluse) pour accabler ce père de famille analphabète. Après sa condamnation à 18 ans de prison, malgré la défense assurée par l’avocat-vedette Me Verges (Maurice Bénichou méconnaissable), l’académicien Jean-Marie Rouart (incarné par Denis Podalydès – qui a déjà personnifié en peu de temps Jacques Attali et Nicolas Sarkozy !) se lance dans une contre-enquête qui aboutit à la publication du livre La construction d’un coupable.

Pour son deuxième film en tant que réalisateur, Roschdy Zem délaisse la légèreté de Mauvaise Foi (2006) et s’attaque à l’un des procès criminels français les plus médiatisés du XXe siècle. Son approche est clairement partisane : pour lui, Raddad est innocent. On pourra même lui reprocher de ne laisser aucune place au doute, et de peindre un tableau univoque d’une France entièrement ralliée à la cause de l’accusé – à tel point qu’on se 58107.jpgdemande presque comment un jury civil a pu le condamner !

Le cinéaste, aidé de Rachid Bouchareb pour le scénario et la production, délaisse les trois narrations les plus évidentes : le meurtre, l’instruction, et le procès. Il choisit plutôt de suivre les chemins de deux individus : celui d’Omar Raddad, accablé par une justice aveugle qui refuse de stopper sa marche inexorable, et à plus forte raison de faire machine arrière ; et celui de Rouart, engagé dans une croisade en forme d’enquête confortable. Cette deuxième voie paraît souvent un peu redondante, voire carrément inutile (Rouart à l’hôtel Intercontinental, Rouart présente son livre à un éditeur convaincu, etc.), et ne parvient pas même à faire ressortir efficacement la thèse du "tueur alternatif" : un certain Pierrot le fou, déjà condamné pour meurtre et jamais inquiété malgré ses liens indirects avec la victime. Du coup, le film reste un peu timoré malgré sa prise de position, et se contente d’être un exposé de faits (gentiment biaisés) qui fait la part belle à la prestation toute en retenue de Sami Bouajila. Ce qui n’est déjà pas mal.