7.5/10Le nouveau protocole

/ Critique - écrit par riffhifi, le 24/03/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Protocolère (Fiche technique)

Un thriller noir et tendu au service d'une cause louable : les abus commis par l'industrie pharmaceutique. Clovis Cornillac est excellent en père animé par la colère.

L'affiche laisse croire à un film d'action français à la sauce hollywoodienne, mettant sur un podium le Clovis Cornillac désormais incontournable que les producteurs s'arrachent inexplicablement depuis quelques années. Un engouement curieux puisque l'acteur, au demeurant talentueux, n'a pas véritablement une personnalité de tête d'affiche. Ici pourtant, il supporte sans peine le film sur ses épaules, et apporte une épaisseur appréciable à un scénario qui ne manque pas non plus de qualités.

Raoul Kraft (oui, le nom fait un peu mal, mais il n'est pas prononcé trop souvent) apprend la mort de son fils de 18 ans, victime d'un accident de voiture. D'abord dévasté par la nouvelle, il est vite intrigué par le discours d'une activiste qui lui affirme que le responsable de l'accident est le médicament expérimental que son fils Frank prenait. C'est le début d'une enquête chaotique et viscérale, de plus en plus en marge de la légalité...

Sur le principe du "film à message", on pouvait craindre le pire : discours lourdingue sur fond de musique sirupeuse, intrigue éclipsée par le propos de fond, ou encore mauvaise foi caricaturale drapée de bons sentiments sont les fossoyeurs des films qui veulent trop bien faire. Thomas Vincent évite en grande partie ces écueils, bien que chacun d'eux pointe leur nez à un moment ou à un autre : l'énoncé des torts Dans la vie, il y a deux sortes de gens. Toi, tu Croze.
Dans la vie, il y a deux sortes de gens.
Toi, tu Croze.
supposés des lobbys pharmaceutiques est parfois un peu didactique, et la caricature n'est parfois pas loin. Heureusement, la croisade des deux héros, initiée par une Marie-Josée Croze hallucinée, titube dangereusement sur la corde raide qui sépare l'activisme raisonné de la paranoïa dévorante. L'ennemi se cache-t-il vraiment derrière tous les poteaux ? Le danger est-il tangible, ou n'est-il qu'une réalité volatile contre laquelle on ne peut rien. Le personnage de Marie-Josée Croze a la lucidité de le dire : on ne peut pas s'attaquer à une seule personne, le problème est plus complexe qu'une simple responsabilité criminelle.

Entre thriller (bien mené) et réflexion (intéressante), Le nouveau protocole fait preuve d'une efficacité incontestable, ménageant à la fois des scènes d'émotion poignantes à Clovis Cornillac et des moments de suspense tendus comme un string taille basse porté par un sumo atteint d'aérophagie. Le récit est sans concession, et s'il n'évite pas quelques clichés, il a néanmoins le mérite de ne jamais prendre le spectateur pour un imbécile (à part peut-être une scène à laquelle on a du mal à croire, mais on la met sur le dos de l'état mental perturbé de Raoul à ce moment). Peu d'humour, pas de violon trop larmoyant, le film est noir et ne mollit jamais, jusqu'à un final poignant qu'on ne voit pas venir.

La volonté d'ouvrir les yeux du spectateur à certaines réalités n'empiète pas sur le récit nerveux et mouvementé, on ressort de là un peu groggy. Et enfin convaincu que Clovis Cornillac peut tenir un film à lui tout seul, même si la présence de Marie-Josée Croze ne gâte rien.