Musée haut musée bas
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 24/11/2008 (Tags : musee jean michel ribes haut theatre art
Une pléiade de célébrités empilées dans un gloubiboulga sans queue ni tête, dont le seul intérêt réside dans son dérapage progressif vers le loufoque surréaliste.
Metteur en scène de théâtre et réalisateur de cinéma sont deux métiers différents. De même qu'auteur de théâtre et scénariste de cinéma. Jean-Michel Ribes tente de prouver qu'il peut être les quatre, en opérant un retour au cinoche quatorze ans après Chacun pour toi. Mais son incapacité à s'extraire de la théâtralité est le moindre des défauts de ce Musée haut musée bas, qui ratatouille (oui, du verbe ratatouiller) les thèmes et les performances jusqu'à l'oblitération des sens et de la
Blanc et les plantes vertescompréhension. Une nouvelle forme d'art, qui prétend dépasser le cinéma ?...
Le scénario n'a pas à proprement parler de colonne vertébrale : les saynètes sont émiettées à travers le film en un défilé incessant de vedettes (voir la liste, trop fastidieuse à reproduire ici) à travers un musée fictif (André Malraux, où semble se télescoper toutes les époques et touts les styles en quelques étages), et seule surnage l'histoire du conservateur Mosk (Michel Blanc), terrorisé à l'idée que la Nature envahisse le musée avec l'aide de ses agents maléfiques (les plantes vertes et les grenouilles). Pêle-mêle, on croise également Gérard Jugnot en monsieur-je-sais-tout de l'impressionnisme version prolo, Daniel Prévost en chef de famille cherchant sa voiture, Victoria Abril en visiteuse déroutée par l'aspect « provisoire » de Modigliani, Fabrice Luchini et Samir Guesmi en gardiens dégoûtés de la beauté, André Dusollier en ministre inaugurant une expo de 350 biroutes en photo, etc. La farandole incessante de personnages empêche irrémédiablement de développer la moindre de ces histoires, qui se résume dans la plupart des cas à quelques traits d'esprit peu drôles sur l'art. Tout le monde y passe d'une façon ou d'une autre : les snobs, les ploucs, les intellectuels, les esthètes, les touristes, les administrateurs, etc. Personne ne semble trouver grâce aux yeux de Ribes, et il s'avère bien difficile de se faire une idée de son sentiment sur l'art et ses courants : mépris global pour toutes ses formes ? amour de l'art libre et dédain de son conditionnement et de sa consommation ? On serait bien en peine de tirer une synthèse de l'accumulation
d'éléments proposée par un réalisateur que l'on sent à la fois trop gourmand et trop peu travailleur. Peut-être avait-il l'ambition de juxtaposer dans son film le baroque, le surréalisme, l'impressionnisme, l'art abstrait et le cubisme en une conjonction kaléidoscopique vertigineuse ; mais hélas, il oubliait que l'addition des couleurs du spectre ne donne que du blanc...
Toutefois, on reconnaît au film une certaine capacité à surprendre, non seulement par son ton incroyablement théâtral (normal, c'est l'adaptation d'une pièce de Ribes lui-même), mais aussi par son immersion progressive dans l'absurde le plus complet, virant à l'humour noir apocalyptique dans ses vingt dernières minutes inattendues. Mais l'inattendu n'est pas plus convaincant que la salade de sketches, et le résultat donne essentiellement l'impression d'un beau gâchis. On en retiendra à la limite quelques idées trop vite expédiés, les divagations irréelles des œuvres d'art vivantes Sulki et Sulku, et peut-être une ou deux répliques bien placées (« Tu vas parler de ton sexe à table ? », « Les enfants des impressionnistes étaient des cons ? »...)