7/10MR73

/ Critique - écrit par Lestat, le 17/03/2008
Notre verdict : 7/10 - Autopsie d'un Marchal (Fiche technique)

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Flic alcoolique au bord du gouffre, Schneider enquête sur une série de meurtres tout en voyant ressurgir les démons du passé.

Olivier Marchal est un peu comme l'ami Ricoré : il n'est pas vraiment excellent, mais il vient toujours au bon moment, avec les petits pains et les croissants. Après 36 Quai des Orfèvres, qui en son temps réveillait un genre devenu moribond et cantonné à la télévision, MR73 nous arrive comme une fleur en pleine discussion sur la récidive des criminels dangereux. Olivier Marchal, qui a traîné son film pendant un an, s'en défend avec raison. Ceci devait être précisé car pour aborder convenablement MR73, il convient de faire abstraction de cette actualité, sous peine de voir dans le film une sorte de pamphlet reac. Quelles que soient les opinions de Marchal sur le sujet, son film est au dessus de tout ça. Et en l'occurrence, le film est tout ce qui nous intéresse ici.

"Dieu est un fils de pute. Et un jour, je le tuerai..."

Il y a deux Olivier Marchal. Plus que 36 Quai des Orfèvres, MR73 est l'illustration exacte de la dualité de son réalisateur. Il y a tout d'abord Marchal le flic. Le jeune flic qui fut confronté à un drame sordide, l'assassinat d'une famille dont seuls réchappèrent les enfants, cachés dans un placard. C'est ce même drame qui le poussa à quitter "la Maison" et à se concentrer sur le cinéma. Avec MR73, il trouve enfin la force d'exorciser ses démons et à mettre en scène cette tragique histoire. MR73 est une thérapie, noire, lente, presque entièrement tournée vers les sentiments de ses protagonistes. Un film intimiste, peuplé de personnages usés dans un Marseille blafard. Mais si Marchal pose douloureusement ses tripes sur la table, il n'oublie pas ses collègues, envers lesquels il fait preuve du même respect que dans 36. Regards cernés, joues crevassées, phalanges meurtries... Du maton au prêtre, la patine véridique fait mouche. Malgré sa barbe de trois jours et son teint vampirique, Daniel Auteuil, le double de Marchal, apparaît d'ailleurs presque trop lisse au milieu de ce casting peuplé de seconds rôles cabossés.

Et puis il y a Marchal le réalisateur, le cinéphile. Celui qui est entré dans la police pour ressembler à ses héros, qui a été biberonné à Melville, à Corneau, à Bebel (qui manqua de peu de jouer dans le film), à Lino Ventura, au polar américain... Quittant ses propres rivages, Marchal se lance alors dans une chasse au serial killer comme seul le 7ème Art peut en offrir. Daniel Auteuil n'agit plus comme catharsis, il devient un vrai flic de cinéma, l'arme lourde à la main, la réplique cinglante à la bouche, envoyant chier sa hiérarchie pour boucler lui-même l'enquête dont il a été exclu. MR73 devient un film moins rugueux, plus rythmé, faisant la part belle aux voitures derniers cris (Chrysler, placement produit inside), où tout le monde semble habiter un petit mas confortable. La crédibilité en prend un coup, au profit d'une certaine part de rêve, véhiculée par des clichés que l'on a plutôt l'habitude de voir Outre-Atlantique.

Etait-ce encore trop tôt pour Olivier Marchal pour aborder de front l'affaire et finalement l'histoire de sa vie ? Dandinant sans cesse entre la pure fiction et le ressenti personnel, MR73 laisse entendre que la plaie n'a pas encore cicatrisée. Pudique, presque autiste et anti-spectaculaire au possible, le film se montre fascinant dans la descente aux enfers de ce flic brisé, que Marchal entraîne dans le gouffre avec l'air de dire "c'est lui, mais ça aurait pu être moi". MR73 est le film d'un survivant, desservi par la schizophrénie de ses deux histoires distinctes et pourtant jumelles. MR73 en écope d'un souci de construction, faisant qu'aucune des deux intrigues n'est développée correctement. Mais la santé mentale de l'intéressé était sans doute à ce prix...