7.5/10Monsieur N.

/ Critique - écrit par Selena, le 17/03/2003
Notre verdict : 7.5/10 - Comment être quand on n'est plus (Fiche technique)

Tags : film napoleon monsieur france caunes histoire antoine

Qu'y a t-il de commun entre Les morsures de l'aube (premier long métrage d'Antoine De Caunes) et Monsieur N.  ?
Une histoire, un mythe qui alterne entre clair obscur. Des êtres hors du commun des mortels, destinés à l'immortalité. Des monstres sacrés, assoiffés de sang ou de pouvoir, ...

De Caunes est tombé instantanément sous le charme du scénario : l'histoire de la fin ( ?) de Napoléon sur l'île de Sainte Hélène .
En 1840, le retour du corps de l'empereur Napoléon en France nous amène à nous interroger sur les dernières années de sa vie et de sa mort et amène à exhumer les cadavres des placards. Un flash back nous renvoie en 1815 sur Sainte Hélène. Le général Bonaparte , l'homme qui voulait conquérir le monde se retrouve coincé sur un bout de caillou au milieu de nulle part. Sous l'autorité du gouverneur anglais Hudson Lowe, l'empereur déchu est confronté à un environnement hostile et ingrat, humide et venteux. Chargé de s'assurer de la présence du général dans ses quartiers 2 fois par jour, un officier d'ordonnance Basil Heathcote nous narre l'histoire . Nous découvrons un homme enlisé dans une gloire passée et prisonnier d'un présent qui s'étire et s'aplanit indéfiniment, nous observons un Napoléon à la volonté implacable qui règne sur sa 'tite cour de fidèles (plus ou moins opportunistes et loyaux) , et nous explorons les mystères qui opacifient les circonstances de sa disparition.

De Caunes ne prend aucun parti pris quant aux thèses de sa disparition. Il réussit avec finesse à nous faire envisager toutes les possibilités (jusqu'à l'ultime "fantaisie" de la fin) . Le film ne se veut pas historique, d'autant plus que comme le rappelle Napoléon :« L'histoire est un mensonge que personne ne conteste. » Le film se révèle être tour à tour un film romanesque, un film policier et un film intimiste qui peint avec minutie le quotidien routinier et dépouillé, éclaircit les relations troubles et ambiguës, et met à nu les passions exacerbées dans un espace clos.

La lumière (de Pierre Aim) est remarquable. Elle voile et dévoile, elle amplifie les zones d'ombre et de lumière des personnages, et magnifie les paysages de l'Afrique du Sud (lieu de tournage et d'exil de l'équipe du film).
Les acteurs réalisent des performances remarquables (même si parfois un peu trop théâtrales). Tout particulièrement, Philippe Torreton (le Capitaine Conan de Tavernier) qui s'efface et se fond dans Napoléon.
A l'inverse du jeu de Christian Clavier qui peinait (voire échouait) à faire vivre son personnage en dehors de lui, Torreton s'oublie et nous avec. Torreton incarne la force, le charisme, la grandeur et misère du mythe et de l'homme.
Stéphane Eicher compositeur de la BO nous offre une musique jamais envahissante qui s'accorde harmonieusement et sans fausse note à l'atmosphère du film. Coup de coeur particulier pour les chants corses de l'introduction du film.

De Caunes voulait « qu'il y ait du suspense, du lyrisme, de l'émotion, et filmer la démesure et l'intimité du personnage. » Il réussit de main de maître son défi.