La Môme
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 15/02/2007 (L'enfant et l'oiseau
Edith Giovanna Gassion (Marion Cotillard) naît le 19 décembre 1915, d'un père contorsionniste (Jean-Paul Rouve) et d'une mère chanteuse de rue (Clotilde
Edith PiafCoureau). Pendant la guerre de 14-18, la petite Edith vit d'abord en compagnie de sa grand-mère maternelle, puis dans un bordel de Normandie avec sa grand-mère paternelle, pendant que la mère tente sa chance à l'étranger, et que le père rejoint les forces armées. A la fin des affrontements, celui-ci récupère Edith pour l'emmener avec lui dans une roulotte de cirque. Elle commence à chanter pour aider son père, et se retrouve à interpréter des chansons populaires dans les rues, jusqu'à être remarqué par Louis Leplée (Gérard Depardieu), qui la fera monter sur une scène de cabaret huppé. Elle y prend le surnom de « Môme Piaf ».
Louis Leplée meurt assassiné, Piaf est traînée dans la boue et se recroqueville dans des petits cabarets miteux. Raymond Aso (Marc Barbé), célèbre compositeur, la prend alors sous son aile, l'aide à travailler sa voix, et la propulse dans le monde du music-hall. Ainsi meurt la môme Piaf, et ainsi naît Edith Piaf, un nom qui fera le tour du monde. New York lui ouvre les bras, et avec elle le boxeur Marcel Cerdan (Jean-Pierre Martins), en 1948. Il perdra la vie en 1949 sur un vol Paris-New York, alors qu'il rejoignait Edith. Piaf sombre.
Les problèmes de santé se multiplient, Edith devient dépendante à la morphine. Elle suivra une cure de désintoxication à partir de 1953, puis continuera ses tournées à travers le monde. Elle s'écroule sur une scène de New York, en 1959. Malgré un état de santé alarmant, les concerts continuent. Elle donnera l'une de ses plus célèbres représentations à l'Olympia de Paris, en 1961, et continuera ses grands concerts jusqu'en avril 1963, où elle tombera dans le coma. Elle meurt le 11 octobre 1963, le même jour que Jean Cocteau.
Près de quarante-cinq ans plus tard, ses chansons raisonnent encore dans le coeur de tous les français. Elle fut l'inoubliable interprète des grands succès mondiaux que furent La Vie en Rose, L'Hymne à l'Amour, Non Je ne Regrette Rien, Milord, et de Mon Manège à Moi.
Mais ce n'est pas tant l'artiste que souhaite montrer Olivier Dahan dans son film (le troisième au cinéma sur l'artiste), plutôt la femme sous le nom, le malaise d'une vie brisée et reconstituée indéfiniment. Fille de la rue, fragile, mal aimée, Edith sombrera dans l'alcool et la drogue, dans la maladie et le désespoir, dans le succès et la déchéance. Jusqu'à sa mort, dans les dernières minutes du film, Dahan ne cessera de passer de l'ombre à la lumière, insistant parfois davantage sur les zones délicates de la biographie de la femme tout en occultant la chanteuse. Un parti pris intéressant, donnant lieu à un montage alternant les différentes époques de la vie de Piaf, que l'on retrouve tour à tour toute jeunette, adulte, et mourante.
L'histoire prend alors de légers raccourcis, s'attarde sur le drame et résume le succès en quelques pages de journaux, les trous étant ignorés par le montage non linéaire du film (une grande partie des amoureux d'Edith seront occultés). Vacillant, le porté de caméra exprime autant que les acteurs un malaise, un regard instable, et une vie sur la corde raide. Lorsque le moment est heureux, comme la rencontre avec Marcel Cerdan, celui-ci se stabilise, retrouve une constance. Le procédé est appréciable, confère au film une petite saveur toute particulière.
Un film au fort potentiel donc, de quoi motiver Marion Cotillard qui abandonne Taxi 4 (et grand bien lui en fasse) pour se transformer en Edith Piaf. La ressemblance est bluffante, le grimage parfait. Le dos voûté, les pas mal assurés, les lèvres très légèrement grimaçantes, Cotillard campe une Piaf plus vraie que nature, certes un peu paillard à l'outrance dans son comportement, mais d'une justesse confondante. Marion hurle, pleure, s'agite, nous déchire le coeur, nous prend aux tripes quand elle monte sur scène. Toute la puissance vocale des chansons d'Edith Piaf est restituée (l'actrice chante en playback), pousse les sentiments à l'extrême. Dommage que le film, pourtant rempli de morceaux choisis parmi la discographie de la chanteuse, ne recèle pas davantage de scènes de chants, la plupart étant raccourcis ou tout simplement écartés.
Plus qu'une biographie, La Môme est un drame humain, celui d'une vedette de music-hall fauchée par la vie. Olivier Dahan prend le parti de montrer la face cachée de l'artiste, celle que le grand public ne connaît pas : Mario Cotillard devient donc Edith Piaf, alcoolique, droguée, caractériel, et passionnée - une composition à la hauteur du mythe, qui la mènera sans doute au césar. Une belle réussite, malgré un récit un peu brumeux (flashbacks successifs) et l'effacement des seconds rôles.