9/10Martyrs

/ Critique - écrit par nazonfly, le 22/09/2008
Notre verdict : 9/10 - Hostel non-california (Fiche technique)

Tags : martyrs film martyr laugier pascal martyre francais

Martyrs est, sans aucun doute, l'un des films marquants du cinéma français cette année. A voir... si vous en avez le courage.

Une fillette, le crâne rasé, court, seule, claudiquant et pleurant, au milieu de bâtiments d'usine désaffectée. Elle fuit, le regard presque fou. Le décor rappelle irrémédiablement les derniers plans d'Hostel, sans doute à dessein. Séquestrée pendant des mois, Lucie est traumatisée à vie par des traitements qu'on suppose inhumains. Recueillie dans un foyer, Lucie ne s'ouvrira qu'à une autre fillette, Anna, sur ce qu'elle a subi. Quinze ans s'écoulent. Les deux fillettes, maintenant devenues jeunes femmes, sont toujours ensemble : Anna est maintenant presque un ange gardien pour Lucie, celle qui va tenter de la sauver de ces hallucinations et ces crises de violence difficilement soutenables.

De Ricco la fripouille à Zeppo le clown blanc

Tu as l'esprit de vengeance
Tu as l'esprit de vengeance
Martyrs
a, avant même sa sortie, fait couler beaucoup d'encre et noirci de nombreux bits. La Commission de Classification des Films a en effet, dans un premier temps, décidé d'interdire Martyrs au moins de 18 ans. Une interdiction qui n'est que rarement prononcée en dehors des films X. Et pour cause, une telle interdiction induit des aménagements en conséquence, concernant les horaires de diffusion, au cinéma ou à la télé. Bref, presque la mort pour ce genre de film. Devant les tollés, la Commission est revenue sur son avis et n'a interdit Martyrs qu'aux moins de 16 ans, tout en offrant un sérieux coup de projecteur sur un film atypique dans le paysage français. Le film de Pascal Laugier (Saint Ange) méritait-il une telle polémique ? Assurément oui. Car il faut bien l'avouer, Martyrs est rude. On n'est plus dans le simple film d'horreur faisant sursauter les adolescentes, faisant hurler les midinettes du collège. Non, Martyrs est au delà de cela : il est profondément malsain. Certes, la première demi-heure est un gigantesque bain de sang, réservé d'habitude aux finals en apothéose. Une violence libérée qui éclabousse les murs et remplit les baignoires, qui provoque des haut-le-coeur et retourne l'estomac. Si on ajoute à ce tableau un monstre abominable et violent, on se demande au bout de cette seule demi-heure ce qui peut bien se passer ensuite. L'habitude du spectateur sait bien qu'après une telle scène, le film se clôt habituellement sur une petite musique terminale, en général au piano, une musique qui laisse comme un goût d'inachevé.

Torture mentale, physique, psychose

Nadaaaaaa
Nadaaaaaa
Mais c'est à la fin de ce sommet de violence presque jouissive que débute Martyrs. Et cette violence délibérée, connue et qu'on aime finalement, devient psychologique. Le sang se fait discret, mais les coups surviennent sans rime, ni raison. La torture, l'humiliation, le traumatisme n'auront peut-être jamais été poussés aussi loin sur grand écran. On se laisse même à penser à ces faits divers sordides, ces gens enfermés pendant des années dans des caves sans voir ni jour, ni lumière, rien d'autre que leur bourreau qui revient, jour après jour, sans dire un mot, sans même un regard. Car, pendant une grosse demi-heure, sans doute la plus réussie du film, le scénario se fait oublier, le film se perd dans une ellipse temporelle, les scènes se répètent inlassablement. Le spectateur se ressent de la même oppression que celle exposée sur l'écran, le spectateur souffre au diapason avec la souffrance exhalée par les images qui défilent. Et puis c'est le dénouement, presque absurde, qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Une pseudo-explication religieuse qui apporte une explication bancale à un film qu'on aurait aimé sans cause et sans justification.

Salut à toi qui es keupon

Block H
Sympa le Pavillon 36
Dans ce film finalement plus mental que viscéral, Mylène Jampanoï et Morjana Alaoui sont les deux éléments centraux. Elles incarnent Lucie et Anna avec une précision et une force impressionnante. On se demande bien qui, dans le cinéma français, aurait pu porter ces rôles de façon aussi magistrale. Dans la douceur, comme dans la violence, elles semblent jouer toujours juste, n'en faisant jamais trop : elles ne sont pas de bêtes scream girls blondes siliconées. Il faut sans doute remercier Pascal Laugier qui est parvenu à faire un monument du film d'horreur psychologique, dans un pays pas forcément reconnu pour ses films de genre. Le cinéma français semble commencer à se dévergonder, à se désinhiber et à proposer des objets non identifiés radicalement différents de ce qu'on peut voir habituellement. Enfin, comment ne pas citer, pour terminer, Benoît Lestang, maître ès effets spéciaux, qui aura accompagné Martyrs pour son dernier film.

Plus qu'une énorme claque, Martyrs est un film qu'on ne peut pas oublier, la faute à une violence psychologique insoutenable qui marque l'esprit au fer rouge. Hostel, avec un sujet pourtant semblable, pâtit franchement de la comparaison. Au final, seule la fin fait bien pâle figure à côté du reste du film, mais elle ne parvient pas à gâcher la plaisir du spectateur, si toutefois on peut parler de plaisir pour un film au delà de toute norme.