Un mariage de rêve
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 22/05/2009 (Ennui britannique dans un film au scénario désuet et finalement bien fade. Le réalisateur de Priscilla folle du désert, après dix ans passés loin des caméras, semble avoir les articulations rouillées.
Le réalisateur australien Stephan Elliott a marqué les esprits en 1994 avec Priscilla folle du désert, une comédie qui ranimait la carrière de Terence Stamp et révélait du même coup Guy Pearce et Hugo Weaving. Par la suite, il signa en 1997 un Bienvenue à Woop Woop inédit en salles, en 1999 un Voyeur décevant que ne sauvait pas sa vedette Ewan McGregor... et hop, plus de nouvelles pendant dix ans. Apparemment, un grave accident de ski a tenu Elliott éloigné de tout activité pendant un bon moment. Pour se remettre en selle, le cinéaste choisit d'adapter une pièce de Noel Coward, déjà porté à l'écran en 1928 par rien moins qu'Alfred Hitchcock (tournée sous le même titre Easy virtue, cette version avait été traduite en France par Le passé ne meurt pas). Quatre-vingts ans paraissent un délai raisonnable pour un remake, d'autant que le son et la couleur ont fait leur
Tête à têteapparition depuis ; pas de chance, le scénario a pris un méchant coup de vieux, et les efforts d'Elliott pour le dépoussiérer se soldent par un mol échec.
Début des années 30. Les membres de la famille britannique et désargentée du jeune John Whittaker (Ben Barnes, le prince Caspian de Narnia) attendent avec impatience et appréhension de rencontrer sa femme, qu'ils se représentent comme une jeune grue épousée trop vite lors d'un séjour en France. En réalité, Larita (Jessica Biel, libérée de la série 7 à la maison) est une Américaine championne de courses automobiles, et possède un caractère bien trempé qu'elle n'hésite pas à opposer à la maîtresse des lieux, Madame mère Whittaker (Kristin Scott Thomas, qu'on ne présente plus depuis Le patient anglais). Les deux sœurs de John sont choquées, mais le père (Colin Firth, croisé dans tout ce qui ressemble de près ou de loin à une comédie romantique anglaise depuis dix ans) observe la situation d'un œil amusé, secouant ainsi l'apathie dans laquelle il restait muré depuis son retour de la Grande Guerre.
La situation est tendue à souhait, et se prêterait volontiers à une débauche de bons mots, de piques perfides et de gags échevelés, d'autant que le film est produit
Tête à chapeaupar les mythiques Studios Ealing, auxquels on doit les grandes comédies d'Alex Guinness sorties dans les années 50 (Noblesse oblige, Tueurs de dames...). Mais en fait de verve et de dynamisme, Elliott s'empêtre dans une volonté de retranscrire l'ennui d'évoluer dans une famille de bourgeoisie campagnarde anglaise de l'entre-deux-guerres. Larita trouve sa belle-famille guindée, hypocrite et peu accueillante, un sentiment que le spectateur est bien obligé de partager là où il préfèrerait se divertir lui aussi. On pense au Gosford Park de Robert Altman, avec sa promesse de murder party noyée dans une contemplation léthargique de moeurs inintéressantes. Pourtant, on voit poindre ici quelques tentatives de drôleries, généralement soulignées par une musique enlevée qui surestime largement le potentiel comique des scènes. La bande originale se révèle même assez étonnante à plusieurs reprises, notamment lorsqu'elle reprend le Sex Bomb de Tom Jones et Mouss T en version "années 30" !
Un mariage de rêve, avec son manque de punch et son titre français très moche, n'est pas pour autant un spectacle atterrant. Les quelques scènes qui réunissent Jessica Biel et Colin Firth parviennent même à faire naître un embryon d'intérêt, là où le rôle de Kristin Scott Thomas se borne à une caricature de marâtre vite oubliée. Grâce au générique de fin, on sort de là en fredonnant. Mais de là à le recommander...