6.5/10Maradona

/ Critique - écrit par nazonfly, le 13/06/2008
Notre verdict : 6.5/10 - Immaterial Guy (Fiche technique)

Tags : maradona diego argentine football monde equipe naples

Les papelitos s'envolent dans le ciel argentin tandis que Kusturica érige une statue pour un gamin d'Argentine qui chante sa vie entre ombres et lumières.

Le football est le sport le plus individuel des sports collectifs, déclarait dernièrement Steve Savidan, buteur de Valenciennes. Pour cette raison, le ballon rond a vu naître des dizaines de stars incontestées dans chaque pays. Mais seuls deux joueurs de football se partagent le panthéon du ballon rond : Edison Arantes do Nascimento, dit Pelé et Diego Armando Maradona. Si le premier a eu une carrière formidable mais plutôt linéaire, le deuxième se rapproche plus de la superstar de la musique, un papillon de lumière qui se brûla facilement les ailes.

A l'heure où les biopics fleurissent ici et là (Control sur Ian Curtis de Joy Division, The Future Is Unwritten sur Joe Strummer de The Clash); Emir Kusturica se penche sur la vie du célèbre Argentin en montrant trois Maradona : le prof de football, le citoyen politiquement incorrect et l'homme de famille. Loin de cette volonté initiale, Maradona par Kusturica est un film de fan, survolant rapidement les côtés sombres du Pibe de Oro (gamin en or) et omettant les contradictions de l'ancien gamin de Buenos Aires.

Des étoiles plein les yeux

L'angle de vue choisi par Kusturica pour son film est certainement celui d'un fan du dieu argentin. Ainsi le célèbre but de Maradona contre l'Angleterre, élu But du siècle, revient comme un leitmotiv une bonne dizaine de fois au cours du film.

Phoque W !
Phoque W !
Ce but sera d'ailleurs la porte d'entrée à la vision idéaliste d'un Maradona symbole de la lutte des classes. Boca Juniors contre le riche club de River Plate, le Sud de l'Italie avec Naples contre l'hégémonie du Nord et la Juve, et surtout ce fameux match Argentine-Angleterre, 4 ans après que le Royaume-Uni a gagné la Guerre des Malouines. Une vision symbolique renforcée par l'engagement politique, assez primaire, du fantastique numéro 10 : références au régime castriste et à Che Guevara (qui orne son bras droit tandis que Fidel Castro est tatoué sur sa jambe gauche), opposition à Bush, soutien d'Hugo Chavez. Diego en sauveur du petit peuple contre l'impérialisme sur fond de God Save The Queen !

On ne critique pas Dieu

A côté de ce talent divin, lumineux et symbolique, Maradona a aussi de sombres côtés, dans sa vie comme dans sa carrière. Heureusement pour lui, Kusturica est un avocat du tonnerre.

Un peu rasant ?
Un peu rasant ?
Si El Pibe de Oro a succombé à la tentation de la cocaïne, c'est sans doute parce que le fait de tout avoir pour devenir un saint était trop difficile à vivre. Et d'ailleurs il se repent aujourd'hui et regrette, la larme à l'oeil, de ne pas avoir pu voir ses filles grandir. Si le numéro 10 a été exclu de la Coupe du Monde 94 à la suite d'un contrôle antidopage positif, c'est la faute à la mafia, qu'on retrouve de Naples à la Juve et jusqu'au centre du football international, la FIFA, qui décide des équipes qui doivent gagner la Coupe du Monde. Et si l'Argentine gagne, c'est contre vents et marées et cette fameuse mafia. Jamais Kusturica ne mettra en doute ces propos du génie argentin, pas plus qu'il ne relèvera ses contradictions. Quant à la fameuse Main de Dieu contre l'Angleterre (Maradona ouvre le score dans ce match d'un but de la main) qu'on verra une ou deux fois dans le documentaire, c'est le symbole du petit qui, pour une fois, vole la grande nation.

Kusturica par Kusturica

Droopy et Hector
Droopy et Hector
Mais le plus grand défaut du film, c'est sans doute l'absence majeure du principal intéressé. L'un des moments symboliques est cette scène avec Kusturica filmant une maison, les volets fermés et attendant la sortie du Dieu argentin. Ce dernier l'ignorera totalement avant de s'enfuir dans son énorme 4X4 noir. Du coup, on a l'impression que le réalisateur n'a rencontré Maradona qu'une dizaine de fois en deux ans, et que son film tient plus à du remplissage qu'autre chose. Les buts se succèdent à l'écran mêlés à des extraits d'anciens films du réalisateur, les images d'archive se mélangent aux interviews réalisées par Kusturica sans qu'on sache vraiment ce qui tient de l'archive et ce qui tient du documentaire. Et ce ne sont pas les plans où Kusturica et Maradona semblent jouer à être les meilleurs amis du monde qui changeront quelque chose à cette impression d'inachevé. Le réalisateur promène ainsi sa grande caracasse d'un bout à l'autre du film, aussi désemparé qu'un Terry Gilliam Lost In La Mancha.

Les papelitos s'envolent dans le ciel argentin, les maillots ciel et blanc se congratulent, les gens se marient sous la bénédiction du Dieu au maillot floqué du numéro 10 et la foule napolitaine, terrifiante, acclame leur champion. De son côté, Kusturica érige une statue pour un gamin d'Argentine qui chante sa vie entre ombres et lumières, et l'anime cette statue avec ses propres sentiments.