9/10Les Hauts de Hurlevent, une nouvelle adaptation au cinéma

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 11/12/2012
Notre verdict : 9/10 - Au-delà du film (Fiche technique)

Tags : film cinema heathcliff hurlevent andrea hauts arnold

Les hauts de Hurlevent… typique de ces grands classiques dont tout le monde connait le titre mais sans pouvoir en raconter l’histoire. Le roman d’Emily Brontë paru en 1847 a pourtant été adapté en film à de nombreuses reprises et nous allons nous pencher sur le dernier en date, la version d’Andrea Arnold.

Pour mémoire, Les hauts de Hurlevent raconte l’histoire d’amour entre Catherine, la fille cadette d’une famille anciennement riche, et Heathcliff, un enfant abandonné recueilli par le père de Catherine. Le tout se passe dans ces fameux « hauts » perdus au fond des plaines britanniques au XIXème siècle. Déjà, si vous connaissez Andrea Arnold, vous pourrez noter un léger décalage avec son travail précédent, Fish Tank, qui évoquait les problèmes contemporains des banlieues anglaises. Mais oublions ces considérations et l’essence originelle du roman pour nous concentrer sur le film.

Une œuvre sensorielle


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Et bien le film est… difficile à raconter ou à analyser car même si ça parait bizarre ou cliché, c’est une œuvre sensorielle. Au sens propre, c’est-à-dire que contrairement à un film ordinaire où on serait embarqué par un scénario ingénieux ou des personnages attachants, ici c’est l’ensemble qui crée un monde à part, une expérience qui va au-delà de ce qu’on ressent habituellement dans une salle de cinéma.

La première chose qui frappe c’est la caméra, toujours à l’épaule et qui va au plus près des personnages, qui les suit dans leurs moindres mouvements, même lorsqu’ils courent, tombent ou se couchent. On est vraiment immergé dans ce que voient les protagonistes, et la réalisatrice se permet même des moments flous où l’image est à peine distinguable, ou des passages dans l’obscurité la plus totale où l’on guette la moindre lueur, le moindre reflet qui pourrait nous renseigner sur l’action.

Dans ce genre de mise en scène, tous nos sens sont sollicités, je ne parle pas d’œuvre sensorielle gratuitement, c’est vraiment ce que l’on ressent durant le film. En effet, tout comme les personnages, on finit par sentir les averses dégoulinantes sur tout le corps ou le vent violent et revigorant au matin. Les deux personnages principaux nous font ressentir leur passion lorsqu’ils jouent à même la terre, qu’ils ressortent boueux de la tête au pied. Tout se mêle et le déroulement du film ne devient que secondaire dans ce déluge de sensations si diverses et si inconnues du monde du cinéma.

Le beau et le brut


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On pourrait penser en lisant le paragraphe précédent à The tree of life par exemple, mais lorsque Terrence Malick se perdait dans les images toutes plus propres et lumineuses les unes que les autres, et les considérations théologiques de plus en plus tordues, Andrea Arnold arrive à garder les pieds sur terre par une mise en scène extrêmement brute.

La musique est totalement absente tout au long des deux heures du film, les images se succèdent parfois d’une manière qui pourrait paraitre aléatoire et les dialogues sont de plus en plus rares au fur et à mesure de l’avancée. Par conséquent, le tout est un peu difficile à appréhender et forcément austère si on regarde distraitement.

Il faut donc un temps d’adaptation et une réelle immersion pour pouvoir apprécier Les hauts de Hurlevent, sinon c’est le décrochage assuré. Mais une fois complètement dedans, on se prend à être fasciné par la caméra qui se perd dans une chevelure, dans le crin d’un cheval ou dans des bosquets de chardons. L’absence de la musique est comblée par le bruit des pas dans la boue, celui du vent dans les volets, celui d’une main qui caresse la croupe d’un cheval. Tout cela dépasse la consistance d’un film traditionnel et même d’un film contemplatif car comme je l’ai déjà dit, tous les sens sont mis en éveil.

 

Pour conclure, c’est beau. Mais c’est austère et certains détesteront certainement. Préparez-vous avant, c’est comme lorsqu’on regarde 2001, Odyssée de l’Espace pour la première fois, on sait qu’il va y avoir des longueurs ! Ici c’est la même chose, la progression est linéaire, la photographie est rude et sans finesse, les personnages sont quasi-muets… Mais on n’a pas besoin de tout ça pour faire un bon film et Les hauts de Hurlevent est une expérience vraiment à part qui mérite qu’on s’y intéresse.