Le Lauréat
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 21/10/2008 (Un film marqué par les chansons de Simon and Garfunkel qui critique une société en mutation. Dommage qu'il ait un peu mal vieilli. Sauf la splendide Mrs Robinson.
Benjamin Braddock (Dustin Hoffman) fait la joie de ses parents en ce début d'été. Pensez, il vient de réussir son diplôme, et à 21 ans, la vie, porteuse d'espoir, s'ouvre devant lui. Pour ses parents du moins. Benjamin est perdu, déphasé. Les amis de ses parents tournent autour de lui comme un carrousel fou, le félicitent, lui parlent de son avenir, de ses futures études, de son futur boulot, de sa future femme. Comme un fétu de paille, il se laisse aller au bon gré de ces gens qui l'entourent. Jusqu'à ce que survienne Mrs Robinson (Anne Bancroft). Sublime et intrigante, elle tente de séduire le jeune homme. A peine majeur, ce dernier va évidemment succomber aux charmes de Mrs Robinson. Telle une veuve noire, elle va entraîner Benjamin sur une piste que beaucoup jugeraient glissante. Tout aurait presque pu bien se passer, Benjamin et Mrs Robinson poursuivant leur idylle à l'insu de Mr Robinson, accessoirement l'associé de Braddock père... Mais Benjamin fait la connaissance et tombe amoureux d'une jolie jeune fille, Elaine Robinson, fille de Mrs Robinson.
A la dérive
On comprend rapidement ce qui a pu choquer dans ce film, dont le réalisateur, Mike Nichols, aura reçu un Oscar en 1967. Benjamin est un jeune homme peu intéressé par la réussite sociale, ennuyé par les discours sur son avenir, sur la nécessité de faire quelque chose de sa vie selon l'expression consacrée (en deux mots). Le lauréat est, de ce fait, une critique de la société, de cette société que certains auront tenté de faire évoluer en 1968. Pour cela, le fond du film est toujours d'actualité, même si la forme a subi les outrages du temps. Dustin Hoffman y est effacé, soumis presque entièrement aux désirs de ses parents et des adultes, maladroit dans ses rapports, sentimentaux comme sexuels. Comme un jeune fils de bonne famille, Hoffman, qui voit là son premier grand rôle (à 30 ans... et pour jouer un jeune homme de 21 !), se laisse d'abord dériver, porté par le courant, avant de prendre plus clairement sa vie en main et d'imposer sa volonté contre vents et marées. La métamorphose du personnage est presque palpable, le Hoffman des dernières minutes est aussi sûr de lui et confiant dans l'avenir que celui du début était timide et perdu. Comme un symbole du changement de société ?
Une aura de sensualité
Mais le scandaleux ne vient pas que du comportement de Benjamin face à une société qui n'a pour but que la réussite matérielle et scolaire. Mike Nichols prend un malin plaisir à jouer avec le thème licencieux de la femme mariée, alcoolique de surcroît, qui séduit un jeune homme, largement plus jeune qu'elle. Une femme qui dégage une aura impressionnante et qui dévore l'écran, splendide incarnation de la sensualité. Le genre de femme qui n'a rien de la ménagère de moins de 50 ans typique. Mais aussi une femme jalouse de la beauté de sa fille, à la recherche sans doute d'une adolescence disparue sur le siège arrière d'une voiture; le réalisateur décrit ici une situation bien éloignée de la conception du mariage et des rapports sexuels, interdits avant l'union spirituelle. De cette façon, Nichols épingle aussi à son tableau de chasse, la religion avec notamment une dernière scène qui a dû choquer plus d'un spectateur, mettant un point d'orgue au Lauréat.
Faut-il critiquer Le lauréat en fonction de ce qu'il était, de ce qu'il représente ou de ce qu'il est aujourd'hui ? Difficile à dire. Le film est, en tout cas, révélateur d'une époque où les moeurs et les habitudes commençaient à changer. Et notre époque étant la fille de cette (r)évolution, il est finalement normal que Le lauréat nous paraisse un peu simpliste, désuet et daté. Au contraire de la bande originale de Simon and Garfunkel, qui auront vu deux de leurs titres atteindre les plus hautes places des charts grâce au Lauréat : The sound of silence et le titre Mrs Robinson.