7/10Kaena, la prophétie

/ Critique - écrit par gyzmo, le 12/09/2005
Notre verdict : 7/10 - French Touch sur grand écran (Fiche technique)

Tags : kaena film prophetie axis animation cinema dvd

Axis, le monde-arbre, est en danger de mort. Sa sève s'épuise et c'est en vain que son peuple implore les dieux. Habitée par d'étranges visions, Kaena est persuadée qu'Axis l'appelle à son secours. Jeune fille au caractère rebelle, elle brave les tabous de sa tribu et l'autorité du grand prêtre. Elle se lance dans un périlleux voyage jusqu'aux racines d'Axis, aidée par une mystérieuse créature venue d'un autre monde. L'effrayante vérité que Kaena découvrira au bout de sa quête la laissera à jamais profondément changée.


A la base, Kaena est destiné au monde du jeu vidéo. Mais devant la richesse de l'univers et le potentiel de son projet, le co-réalisateur Chris Delaporte, se voit l'occasion d'en faire un film, et pas n'importe lequel : le premier long métrage «full 3D» francocanadien de l'histoire du cinéma.
Autant dire qu'à sa sortie en salle, en juin 2003, après sept longues années de labeur et de mésaventures, cette réalisation des studios
Xilam (Oggy et les cafards) est attendue comme le messie par de nombreux francophones, du petit infographiste de campagne au producteur de films d'animation, désireux de voir enfin exploser sur grand écran de multiples créations en images de synthèse made in French Touch.


On s'attarde souvent sur la qualité des images et de la mise en scène des films d'animation. Mais il me semble tout aussi important de parler de la qualité des sons qui participent à rendre vivant le monde d'Axis.
Kaena bénéficie d'un casting voix digne d'une superproduction, aussi bien dans la version française qu'anglaise : Cécile De France (L'Auberge Espagnole) ou Kirsten Dunst (Virgin Suicides) pour Kaena, Michael Lonsdale (Le Nom de la Rose) ou feu Richard Harris (Harry Potter) pour Opaz, Anjelica Huston (La Famille Adams) pour la reine des Sélénites. Petit bémol sur le choix étrange de Victoria Abril pour interpréter ce dernier personnage : son accent hispanique est charmant mais j'ai trouvé qu'il donnait au personnage un côté exotique qui fait un peu tâche au milieu de ses congénères (sans compter la difficulté de l'élocution, déformée qui plus est par le banc de montage son, et qui enraye parfois la compréhension de certains mots).
Les ambiances sonores du film sont convenables mais pauvres, probablement à cause de la désolation de l'univers dans laquelle les personnages existent avec difficulté. Légèrement emphatique et peu originale par rapport à la particularité d'Axis, la musique de Farid Russlan vient combler les blancs de la bande-son. Le thème des Sélénites, par exemple, vibrant aux sons de puissants choeurs et d'un accompagnement symphonique en crescendo, est susceptible de mettre en orbite vos émotions autour des quelques jolis moments du film.

D'entrée, la scène d'ouverture se veut spectaculaire. Un plan séquence de trois minutes où un travelling avant embarque le spectateur de la dislocation d'un gigantesque appareil spatial à son crash sur une planète inconnue. Avec un premier plan pareil, mon esprit a tout de suite frissonné en imaginant une suite qui ne pouvait qu'être époustouflante !
Malheureusement, le film atteint rarement l'intensité de cette immersion éclatante. La barre est placée tellement haute que la plupart des séquences suivantes apparaissent fades et maladroites. La mise en scène aurait mérité plus d'attention de la part des réalisateurs. Ils abusent des grands mouvements de caméra (travelling circulaire, travelling avant rapide, tremblé du travelling...) pour montrer combien leur héroïne n'a rien à envier au Tarzan de Disney lorsqu'il s'agit de faire son jogging sur les branches du monde-arbre. Des plans fixes léchés et entièrement voués à la beauté des décors (peu détaillés) auraient été plus judicieux car finalement, toute cette esbroufe est inutile. A cela s'ajoute une palette de couleurs limitée. Entre la chaleur ocre du monde-arbre et la froideur azuré des locaux d'Opaz, mon oeil a eu du mal à distinguer les formes, à se repérer dans l'espace, parfois trop sombre. Ces deux tonalités sont pourtant agréables, mais sur 1h30 de film, cela peut devenir fatiguant et monotone.

Si la subtilité fait quelque fois défaut à l'image, elle l'est également avec le scénario, faussement complexe : une prophétie à l'origine incertaine, derrière laquelle se dissimule un secret extra-terrestre que seule une sauveuse rebelle, bâtie comme une dame de chez Playboy, peut révéler aux yeux d'une peuplade soumise aux bons vouloirs d'un méchant prêtre caricatural et de ses dieux antipathiques qui rappellent les créatures de Giger. Quant à la morale de fin, expédiée à la va-vite, elle laisse tout de même une impression d'inachevée.
Tout ceci est vraiment dommage car le film a de réelles valeurs. On ne va pas bouder par exemple les quelques plaisirs soulevés par Kaena qui honore l'imagination francophone grâce l'esthétisme intéressant des scènes d'accouplements fusionnels des Sélénites ou le design sympathique des personnages, plus proche de la caricature d'un Shrek que de l'ultra réalisme d'un Final Fantasy. Et si l'animation manque un peu de fluidité, on s'attache volontiers aux protagonistes cocasses comme en témoignent la simulation d'attaque du maraudeur ou les échanges dialogués entre les vers cybernétiques, à la fois serviteurs, compagnons et casse-croûtes.


Tout le monde à l'air d'être d'accord là-dessus : les artistes français ont de la sensibilité, un style à part et une culture subtile qui leur valent une réelle reconnaissance dans le monde de la création. Il était donc temps, à la vue de ces qualités, que nos infographistes montrent enfin aux géants américains et japonais que nous avions les compétences pour jouer dans leur cours. Mais si la bonne volonté est au rendez-vous, les moyens alloués, les infrastructures ou le logiciel grand public choisi, ne permettent pas à Kaena d'atteindre la maîtrise quasi parfaite des films de Pixar et compagnie. Cette première réalisation est cependant un produit haut de gamme (13 Millions d'€) par moment visuellement splendide, plutôt destiné à un jeune public et qui, espérons-le, donnera l'envi (et le courage) à nos artistes de se rassembler autour de nouvelles aventures tridimensionnelles. C'est d'ailleurs ce à quoi les studios Xilam s'attèlent en ce moment avec l'adaptation cinématographique du jeu Stupid Invaders, lui-même tiré de leur excellente série animée, Les Zinzins de l'Espace.