6/10L'Ile aux pirates : jusqu'au bout de la faillite

/ Critique - écrit par Nicolas, le 23/04/2011
Notre verdict : 6/10 - Pour 100 millions t'as plus rien (Fiche technique)

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Pour un budget de 100 millions de dollars, L'Île aux pirates n'en récoltera que le dixième sur le territoire américain. C'est ce qu'on appelle une gaufre, un gadin, un échec, une vautre, un gros râteau poilu, mais pas un mauvais film.

Si L’Ile aux pirates est réputé pour avoir été l’échec le plus spectaculaire du box-office mondial, il ne figure pas pour autant dans les dix plus gros fours du box-office américain, cauchemar de tout producteur. Le prix du plus gros bide est attribué à l’Alexandre d’Oliver Stone qui dépasse allègrement les 120 millions de dollars de pertes pour un budget estimé à 155 millions. En dessous, on retrouve quelques illustres titres souvent cités dans les discussions tournant autour des échecs commerciaux, tel Waterworld avec Kevin Costner ou le Final Fantasy de l’éphémère Square Pictures (ce sera d’ailleurs le seul long métrage de la filiale, complètement torpillée par les 100 millions de dollars de pertes).
Quel est le point commun entre tous ces films ? Quasiment à chaque fois, on ne parle pas d’échec artistique. Il y a bien des œuvres moyennes, d’autres incomprises, mais aucune ne méritait une mésaventure de cette ampleur. Même pas L’Ile aux pirates.

L'Ile aux pirates : jusqu'au bout de la faillite
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Autant vous le dire tout de suite, j’ai un certain problème avec Geena Davis qui s’apparenterait presque à du « délit de sale gueule ». J’ai donc beaucoup de mal à commencer un film avec ladite actrice en toute objectivité, je m’attends généralement à du mauvais jeu et me prépare à me trouver devant un film gâché. Je ne suis pas tendre avec elle, certes, mais pourtant L’Ile aux pirates ne souffre finalement pas vraiment de sa présence. Personnellement, j’aurais choisi une autre actrice un peu plus physique, histoire de booster un peu l’image de femme d’action que l’on a cherché à insuffler au personnage, mais je n’avais pas le droit de voter. Et puis, même si l’on m’en avait donné l’autorisation, je pense que je n’aurais pas été écouté puisque le réalisateur Renny Harlin n’est autre que le second époux de l’actrice. D’ailleurs, le type poussera une nouvelle fois sa femme devant sa caméra pour les besoins d’Au revoir à jamais (1996). Ce sera la dernière fois que l’on verra le visage de Geena Davis sur les écrans de cinéma français, sauf si vous avez accompagné votre rejeton voir les aventures de Stuart Little.
Le reste du casting s’articulera autour de Matthew Modine et de Frank Langella, deux acteurs dotés d’une carrière sans très grande prétention commerciale (surtout pour le premier).

L'Ile aux pirates : jusqu'au bout de la faillite
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L’année de la sortie de L’Ile aux pirates, Renny Harlin a manqué de peu d’être « récompensé » par le Razzie Award du pire réalisateur. Fort heureusement, cette même année, Paul Verhoeven défrayait la chronique avec son sulfureux Showgirls et laissa Renny à l’abri de la framboise d’or.
Aurait-elle été méritée ? Peut-être pas. Le réalisateur aime certes le gros boom et l’explosion facile type années 90 - mais si, vous savez, celle qui peut faire péter une voiture après une banale sortie de route -, mais sa réalisation a la tenue du film d’action bien équipé et se permettra même de jolies petites prouesses visuelles. Chaque film de pirates possède généralement sa petite bataille en pleine mer, rythmée par les tirs incessants de canon et les quelques « à l’abordage » de rigueur, le film d’Harlin n’échappe pas à la règle et le fait avec l’art et la manière, sans chercher à échapper aux codes du genre. A la réflexion, même, c’est ce que l’on pourrait écrire pour résumer le film en entier, loin d’être innovant pour son genre (le film de pirates, donc) et son époque (les années 90, donc). Après tout, même si l’on est assez rarement au courant, la piraterie est un thème qui alimente chaque décennie au moins une bonne dizaine de films, il devient difficile d’en changer significativement l’essence même – pour l’habillage pur, un certain Gore Verbinski remettra les pendules à l’heure en 2003 avec Pirates des Caraïbes.

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Ah oui, tiens, parlons-en du fond ! Il s’agit d’un film de pirates, nous y parlerons donc de planche, de navires, de tempête à s’arracher la moustache, de trésor paumé, de cartes avec des indications foireuses, et bien évidemment de mutinerie honteuse ! Les évènements s’articulent entre eux sans fausse note mais sans grande inventivité non plus, nous propulsant notamment l’arrivée de Matthew Modine au rang de personnage principal de la manière la plus convenue qui soit. Les acteurs n’ont en effet pas grand chose à agiter pour faire exister leur personnage, on cite la femme pirate culottée, les hommes de mains forts et loyaux, le vilain traître, le voleur charmeur, et le cruel méchant à éradiquer. Tout le monde y va de sa petite réplique de beau gosse, histoire de montrer que chacun a pris soin d’amener ses bijoux de famille avec lui – même Geena Davis. On en rigolera peut-être, surtout que le potentiel charisme des personnages et des aventures a désormais pris un certain coup dans la voile depuis la modernisation du genre.

Avec le recul de quinze ans, on regarde tout cela d’un œil circonspect, conscient de l’ensemble des défauts du film, mais attentif à la moindre explosion de baril. En termes de divertissement, L’Ile aux pirates est force de proposition même si son âge le condamne à demeurer comme la catastrophe financière la plus emblématique de tous les temps dans le monde du cinéma.

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