L'homme qui en savait trop - 1956
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 04/05/2007 (
Remake d'une première version, qui avait déjà réalisée par Alfred Hitchcock en 1934 lorsqu'il était encore en Angleterre, L'Homme qui en savait trop est à coup sûr l'un des plus aboutis de la carrière du cinéaste. David O. Selznick l'avait semble-t-il déjà envisagé en 1940, à l'époque où le réalisateur était encore sous contrat avec lui. Produite par Paramount, cette nouvelle version doit sa qualité non seulement à son scénario, savant mélange de suspense et d'émotion, mais également aux performances de James Stewart et Doris Day, dans des rôles qui leur siéent à merveille. A noter qu'il s'agit là du troisième film de James Stewart sous la direction d'Alfred Hitchcock, après La Corde (1948), Fenêtre Sur Cour (1954), et avant Sueurs Froides (1958).
Si l'original se déroulait en Suisse, cette nouvelle oeuvre se déroule (du moins en partie) en Afrique du Nord, à Marrakech. En vacances avec sa femme et son fils, le Dr McKenna y fait la connaissance d'un français, Louis Bernard, ainsi que d'un couple d'anglais, les Drayton. Seulement, dès le lendemain de leur rencontre, Louis Bernard, déguisé en arabe, est assassiné sous les yeux du docteur et de sa femme. Quelques jours plus tard, c'est au tour de leur fils d'être enlevé par les Drayton ! Sans le savoir, les McKenna se retrouvent bientôt embarqués dans un complot international, contraints de se taire pour sauver leur fils gardé en otage.
D'emblée, on retrouve les sensations de mystère et de suspense, auxquelles Alfred Hitchcock nous a bien évidemment habitués. En 1956, Hitchcock est au top, sa carrière connaît une période des plus intenses. Pour cette nouvelle version, l'histoire, sensiblement la même que celle de 1934, est toujours aussi bien ficelée, et divertissante au possible. Ceci dit, la version de 1956 réserve quelques surprises : la durée inhabituelle de la scène d'introduction par exemple, premier signe visible d'une rythmique plus tempérée, en tout point opposée à celle des Trente-Neuf Marches ou de La Mort Aux Trousses. Résultat : le remake est plus long de près de quarante minutes ! Mais notez que cela ne contrarie en rien les plans du cinéaste, puisque la tension monte, inéluctablement, et ce dès les premiers instants du film. Hitchcock maintient ensuite le public sous pression, dans une parfaite ambiance de polar, avec une batterie de scènes riches en rebondissements. Jusqu'à cette interminable scène du concert, point culminant du film, où tout se joue et se dénoue. Visez plutôt : neuf minutes, sans que ne soit prononcé le moindre mot, remarquable moment de cinéma.
L'histoire a beau paraître invraisemblable, James Stewart et Doris Day n'en demeurent pas moins d'une crédibilité sans faille, et ceci en dépit du fait qu'Hitchcock ne leur offre aucun répit. Si l'on ajoute à cela les compositions de Bernard Herrmann (qui interprète d'ailleurs le rôle du chef d'orchestre lors de cette fameuse scène finale...) et les éclairages ô combien influents de Robert Burks, on obtient un petit bijou d'orfèvrerie. Film d'espionnage vu à travers les yeux d'un couple d'anonymes, aux prises avec une série d'ennemis invisibles, contraints de transgresser certaines limites pour atteindre leur but. Voilà qui offrira matière à discussion ! L'innocence n'est jamais bien loin de la faute. De Marrakech au Royal Albert Hall de Londres, le pari valait la peine d'être pris. Hitchcock réalise là l'un de ses meilleurs films, et l'on ne saurait l'ignorer.