4/10L'homme qui rit - Le Joker selon Victor Hugo

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 07/01/2013
Notre verdict : 4/10 - Rien à voir avec une célèbre vache. (Fiche technique)

Tags : homme hugo gwynplaine victor joker roman batman

Pour faire un film à succès, ce qui marche bien c’est de prendre un livre connu, un grand classique intemporel. Ceci permet d'assurer une certaine reconnaissance à la fois populaire et intellectuelle, et donc un succès public et critique.

C’est certainement ce qu’a dû se dire l’équipe de L’Homme qui rit en proclamant en gros sur l’affiche, « de Victor Hugo » pour préciser à ceux qui ne le sauraient pas que ce film est tiré d’un roman d’un des plus grands auteurs que la France ait connu. Donc c’est forcément un bon film. Voyons un peu tout ça.


Quand elle dort, le jeu est plutôt bon.

Sur le papier, c'est beau.

L’histoire est celle de Gwynplaine, un enfant défiguré dont la bouche affiche un perpétuel sourire à la Joker. Une nuit d’hiver, il tombe sur une petite aveugle, Déa, et trouve refuge chez Ursus, un forain bourru au grand cœur. Mais en grandissant, il s’attire les grâces de la royauté locale et se découvre une origine aristocratique malgré son mode de vie beaucoup plus proche du peuple.

Une telle histoire entre les mains de Victor Hugo ça nous donne à coup sûr un violent réquisitoire contre les classes privilégiées qui s’octroient tous les privilèges et un plaidoyer pour la tolérance envers les différences et les infirmités physiques. Mais avec Jean-Pierre Améris c’est autre chose.

Commençons avec les qualités du film, ne vous inquiétez pas, ça ira vite. La photographie. Voilà, c’est plutôt beau, filmé à l’américaine mais avec des couleurs assez contrastées, des décors féériques et des jolis plans. Cet esthétisme est visible dès la première scène, sombre sous une pluie battante, avec une musique qui fait ressortir la violence et la noirceur de l’ambiance. Puis on passe aux aspects négatifs dès qu’un personnage ouvre la bouche.

En effet, la première réplique hurlée dans la nuit donne une vision quelque peu étrange : la voix est forcée, le texte très théâtral et l’ensemble sonne vraiment, mais alors vraiment faux. On sent que le réalisateur a voulu préserver le texte original malgré le fait que d’autres s’y soient cassés les dents avant lui, et ça ne passe pas. Dans Macbeth, Orson Welles a réussi à donner aux dialogues théâtraux une couleur cinématographique et Baz Luhrmann a poussé la logique à son paroxysme dans Roméo + Juliette, mais lorsque ce sont de mauvais acteurs qui déclament les dialogues du XIXème siècle, l’impression d’assister à une pièce de collège reste prégnante.


Je suis Louis croix vé bâton !

Rien à sauver

Et bien sûr, le mauvais jeu n’est pas réservé à la scène d’introduction et je vous passe les détails sur le jeune Gwynplaine en playboy fade et agaçant, Déa qui joue l’aveugle aussi bien qu’un gosse qui soulève discrètement son bandeau lors d’un Colin-Maillard et la duchesse incarnée par une Emmanuelle Seigner navrante de je-m’en-foutisme. Heureusement qu’il y a Gérard Depardieu dans un rôle pas tellement original mais qui a le mérite de remonter le niveau.

S’il faut trouver un crédit au film, c’est principalement (uniquement ?) dans les scènes de théâtre où les personnages jouent leur propre rôle devant le public. Ici, les textes déclamés scolairement ne font pas tache et les décors sont assez inventifs.

On notera également un scénario très mal mené qui néglige complètement des personnages secondaires qui avaient pourtant l’air d’avoir une grande importance, et qui se finit de manière totalement abrupte… Même s’il faut avouer que l’arrivée du générique provoque un certain soulagement chez le spectateur.

Au final, rien à sauver ou pas grand-chose malgré un projet qui aurait pu être intéressant, surtout lorsqu’on sait que c’est Gwynplaine qui a inspiré plus tard le personnage du Joker de Batman.


"Regarde Gwynplaine, c'est le scénariste qui est parti en congé."