7/10L'homme qui aimait les femmes

/ Critique - écrit par iscarioth, le 09/10/2006
Notre verdict : 7/10 - Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe... (Fiche technique)

« Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tout sens, lui donnant son équilibre et son harmonie »

François Truffaut, l'un des plus grands réalisateurs français, surtout connu pour des films tels que les Quatre cents coups, Jules et Jim, Fahrenheit 451, La nuit américaine ou encore Le dernier métro. Parmi ses films les moins cités, l'un d'eux se distingue pour être très certainement le plus sexuel ; L'homme qui aimait les femmes.

« Vous êtes un imbécile. Je me caresserai en pensant à vous »

L'homme, c'est Bertrand Morane, incarné par Charles Denner, un ingénieur quadragénaire. Le film s'ouvre sur son enterrement. Il n'y a que des femmes présentes à la cérémonie. Ce qui permet à l'une des conquêtes de l'individu de prendre la parole et de présenter sa vie en un long flashback. Dans ses premiers instants, L'homme qui aimait les femmes se montre typique du cinéma de Truffaut, avec une impression de désorganisation, de film à sketches sans réel fil conducteur scénaristique. On voit Bertrand suivre puis séduire les femmes qui l'attirent (et elles sont nombreuses). On retrouve des éléments plus ou moins récurrents dans la filmographie de Truffaut comme les prostituées, les femmes à lunettes (!) et surtout, le jeu de séduction. Un homme qui se conduit comme Bertrand dans la vie finit rapidement arrêté par la police pour harcèlement, et sème tout de suite la terreur chez la gente féminine. Imaginez vous. Vous croisez une femme (ou un homme, n'oublions pas les lectrices) dans la rue, elle vous parait belle. Vous n'allez pas systématiquement la poursuivre jusque chez elle pour lui arracher un rendez-vous ? Non ? Si ? Eh bien peu importe, Bertrand va beaucoup plus loin. Il relève la plaque d'immatriculation de la belle, trafique avec les assurances pour avoir son adresse, fait trois cent kilomètres pour la rejoindre et lui fixe un rendez-vous.

« On ne peut pas faire l'amour du matin au soir, c'est pour ça qu'on a inventé le travail »

On s'imagine que le film va accumuler les anecdotes de rencontres farfelues pendant ses deux heures, ce qui n'aurait pas été follement intéressant. Heureusement, au bout quelques dizaines de minutes, Bertrand décide d'écrire ses mémoires. Il commence alors à dévoiler sa façon de voir la vie. Tordu, obsédé, malsain, ou tout simplement humain, Bertrand aime toutes les femmes et ne s'en cherche pas une pour la vie. Devant la sortie de l'église du mariage de deux jeunes gens, il lance : « En voilà deux qui croient au père noël ». Encore une fois, on retrouve une caractéristique typique du cinéma de Truffaut. Le réalisateur ne croit pas en l'amour absolu, qui dure toujours. Bertrand se délecte de la plastique féminine. Et l'on en vient parfois à se demander (l'affiche du film est symbolique à ce niveau), si ce sont bien les femmes qui sont adorées, et pas simplement leurs jambes. « Pour moi, rien n'est plus agréable à regarder qu'une femme, pourvu qu'elle soit habillée d'une robe ou d'une jupe qui bouge au rythme de sa marche ». Bertrand ne pense qu'à lui-même et enchaîne les aventures sans se soucier des sentiments d'autrui. Il se montre parfois délicieusement cynique : « Celles qui sont belles de dos et moches de face me donnent une sensation de soulagement, puisque malheureusement il n'est pas question de les avoir toutes ».

Fétichisme ?

On ne compte plus les paires de jambes filmées. Peut être des centaines, un véritable fétichisme. L'homme qui aimait les femmes est sûrement le film le plus sensuel de Truffaut, mais sans jamais être érotique. On ne nous dévoile jamais, même pudiquement, de scène de coït. Les choses restent toujours très contenues. L'essentiel de l'érotisme passe par les jambes. Des jambes filmées en mouvement surtout, mais aussi des jambes qui se décroisent puis se recroisent, jamais bien loin d'une main d'homme. A sa sortie, L'homme qui aimait les femmes a provoqué quelques remous du coté des associations féministes. Les femmes sont filmées en « meute » et le discours de Bertrand a effectivement de quoi choquer les âmes militantes (l'homme catégorise les femmes en deux parties : « les grandes tiges » et les « petites pommes »). Bien évidemment, au travers du personnage de Bertrand Morane, c'est Truffaut qui transparaît. Charles Denner, qui a incarné le Landru de Chabrol, devient pour le film un cavaleur ténébreux, loin des clichés. Truffaut ne blâme ni ne fait l'éloge de son personnage, silencieux en compagnie des femmes, mais bavard face au spectateur. Bertrand est assez difficile à définir. Pas vraiment Don Juan, ni dragueur, il représente peut être une époque où les relations hommes/femmes se faisaient plus légèrement (début de la libération sexuelle et féminine, absence des problèmes de SIDA).

Des relents d'érotisme, une réflexion sur les rapports masculin féminin, L'homme qui aimait les femmes, malgré quelques longueurs, est un film à voir pour ce personnage, Bertrand, qui intrigue, interroge et finalement amuse.