Good night, and good luck.
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 05/01/2006 (Tags : good film clooney george night luck murrow
Au pied du Murrow
George Clooney est l'exemple type du mec qui a tout pour lui. Il est sympa (ça ce sont les gens qui le disent), il est beau (ça ce sont les filles qui le disent) et il a du talent (ça c'est moi qui le dit). Même si ses débuts restent plutôt flous avant la série Urgences, le rôle du docteur Douglas Ross suffit à lui seul à lui donner une notoriété et quelques opportunités cinématographiques, heureuses (Une Nuit en Enfer, La Ligne Rouge, O'Brother, etc) ou non (Batman & Robin, Le Pacificateur, etc). Non content d'être un acteur reconnu, Clooney se découvre des talents de réalisateur en tournant Confessions d'un homme dangereux, adaptation de la biographie du présentateur vedette Chuck Barris. Avec Good Night and Good Luck, son deuxième film, George Clooney confirme ses prétentions de traiter en tant que réalisateur, mais aussi en tant qu'acteur, des sujets de fond mêlant jeux de pouvoir et médiation.
Dans les années 50, l'Amérique en proie à la Guerre Froide doit subir « la Terreur Rouge », la chasse aux Sorcières organisée par le sénateur Joseph McCarthy visant le communisme et ses sympathisants. Devant l'énormité des dérives, le journaliste vedette Edward Murrow (David Strathairn) et le producteur Fred Friedly (George Clooney) décident de mener bataille contre la politique sénatoriale, au mépris de leurs carrières...
Même si à la sortie du film, notre impression se tourne plutôt vers le film documentaire bien ficelé, le constat avec le recul est tout autre. Good Night and Good Luck critique, pas forcément en montrant les dessous d'une page d'histoire maintenant tournée, mais plutôt en magnifiant le "courage" des piliers journalistiques du siècle dernier, qui ne recule devant aucun sacrifice pour dénoncer et s'exposer, même contre le pouvoir en place (Murrow ne risque pas seulement sa carrière, s'attaquer au pouvoir en place lui colle vite une étiquette de sympathisant communiste, avec tout le poids moral que cela implique). Bref, un regard sur les médias d'aujourd'hui, en possession d'un pouvoir qui n'est pas à négliger, mais qui se borne au sensationnalisme et au politiquement correct en dépit de toute déontologie. Le côté dénonciateur du film, comme je l'ai dit il y a quelques lignes, n'est pourtant pas mis au premier plan comme l'on pourrait s'y attendre. "L'action", si on peut appeler ça "l'action", se restreint fermement au petit monde de Murrow, dans les locaux de la CBS (très peu de décors différents), et le peu de personnages laisse une impression de survol. Clooney ne se livre pas à un travail de fond, mais d'investigation, sans pointer du doigt, et propose un produit ni trop chaud, ni trop froid. Juste un travail de cinéaste qui a quelque chose à montrer, et qui le fait avec parcimonie et distinction, par son éblouissante distribution, et sa belle photographie noir et blanc qui ramène au siècle dernier. Un choix judicieux qui permet d'alterner les prises de vues sobres et maîtrisées de Clooney, et les documents historiques certifiés dans un montage propret, bien que parfois très décousu (pas de réels repères temporels dans l'évolution de l'intrigue).
George Clooney confirme son talent de réalisateur dans ce court sujet de réflexion sur la puissance des médias, basé sur des évènements historiques peu glorieux et difficile à évoquer sans avoir l'air de dénoncer. Clooney s'en tire avec les honneurs par la pertinence de ses choix, aussi bien niveau scénario que niveau mise en scène.