Le gardien du manuscrit sacré
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 03/09/2003 (American Paf (il est tard)
La fantaisie chinoise au pays des frites grasses et du café pas bon. Une occasion inespérée pour Seann William Scott de placer quelques coups de tatane dans un film d'action, dira-t-on. Attendez, parlons-nous bien du même Seann William Scott ? La tête d'ahuri des American Pie se goinfrant de sainte semence procréatrice et d'urine dégoûtante à la joie de la population hautement intellectuelle d'adeptes de l'humour boîte à caca ? Assurément, l'acteur peut pavoiser, pour une fois qu'on ne lui propose pas une niaiserie de teen-movie stéréotypée, il aurait tort de se priver. A la place, une légère balourdise de film d'action, un rôle en plaqué or pour enfin exercer une autre prétendue facette de son talent. On y gagne au change ?
Depuis soixante ans, un moine dépourvu de nom (Chow Yun-Fat) préserve un parchemin magique de la convoitise d'un nazi mégalomane, le papier sacré le maintenant dans une jeunesse et une vigueur exceptionnelles. Leur jeu de cache-cache les amène aux Etats-Unis, où le bonze rencontre Kar (Seann William Scott), un minable petit voleur s'adonnant régulièrement à l'activité lucrative qu'est le pickpocket. Un satané voyou qui semble bien destiné à devenir le prochain gardien du Manuscrit Sacré, à en croire les signes prophétiques. Le moine décide alors de prendre sous son aile la brebis galeuse...
« Si quelqu'un venait à lire ce parchemin, il pourrait contrôler le monde ». Mieux vaut alors ne pas lésiner sur les moyens de sécurité, un moine super-balèze et énigmatique serait le bienvenu. Chow Yun-Fat, quelques années après Tigre & Dragon, récupère alors sa veste de combattant volant de Li Mu Baï pour incarner le bonze sans nom et retrouver la forme par une bonne tatanothérapie. Le Gardien du Manuscrit Sacré, derrière une affiche (européenne) raisonnablement poilante, est un peu l'entremetteur de cultures, conciliant la fantaisie des films chinois façon Tigre & Dragon, pleins de surprenantes chorégraphies cableuses, avec cette bonne vieille Amérique des bas-fonds. L'autre compère, c'est Seann William Scott, la relève inattendue, le pickpocket bon bougre, le petit malin débrouillard, le chanceux qui trouve la femme de sa vie même dans les pires embrouilles. Pas étonnant que la prophétie le désigne comme gardien des soixante piges. Nullement intimidé par le show très aérien de Yun-Fat (raaah suis chaud suis chaud suis chaud !), l'éternel Stiffler se montre autant crédible dans les scènes d'action que le degré d'originalité de son personnage est élevé : très conventionnel. Le tandem marche convenablement, c'est déjà ça de pris, et c'était plutôt pas gagné d'avance. Pour son premier film, Paul Hunter place sa propre barre très haut en s'attelant à faire d'un synopsis de navet en puissance (« un parchemin capable de dominer le monde est gardé par un moine ») un film crédible et si possible intéressant. Ce qui expliquerait parfois une légère odeur plus ou moins nauséabonde de films d'action dans l'ère du succès (nous ne citerons pas MatriX) derrière un petit fumet tape-aux-narines relevé aux effets spéciaux bon marché. La scène d'introduction, utilisation approximative de la technique du fond bleu/vert pour incruster deux personnages chahuteurs sur un pont de cordes, illustre efficacement mon propos précédent.
Une goinfrerie de l'été, un petit film d'action à l'américaine moins mauvais que ne le laissait présager l'affiche ridiculement hideuse que l'on pouvait apercevoir un peu partout. Les scènes d'action chorégraphiées au fil près, la poignée d'effets spéciaux pas trop moches, et les quelques bonnes pages du scénario n'ont pas l'impact pour surplomber la véritable prouesse du film : faire quelque chose de Seann William Scott qui ne ressemble pas à un décérébré d'adolescent typiquement teen-movie américain.