Les Frères Grimm

Il fallait un projet de film suffisamment barré pour faire revenir Terry Gilliam derrière la caméra. On ne l'avait plus vu occuper ce poste depuis Las Vegas Parano, sorti en 1998. Revoilà donc le réalisateur des cultes Monty Python, sacré Graal et Brazil aux commandes pour une adaptation particulière de la vie des frères Grimm, les célèbres conteurs allemands auxquels on doit la plupart des grands classiques du genre : Blanche-Neige, Cendrillon, Hansel et Gretel ou encore Le petit chaperon rouge.

Nous voilà donc plongés en pleine époque napoléonienne au beau milieu des provinces germaniques soumises à l'occupation française. Jacob et Will Grimm, deux frères au caractère opposé, parcourent la campagne en extorquant de l'argent à de malheureux paysans afin de conjurer de fausses malédictions. Les affaires marchent jusqu'au jour où les autorités s'aperçoivent de leur
malhonnêteté. Afin d'être graciés, ils devront élucider une sombre histoire de fillettes enlevées au fin fond d'une forêt lugubre.

Comme dans tous les films de Terry Gilliam, on retient d'abord son univers particulier, cette fois-ci baroque et glauque, que Tim Burton n'aurait pas renié. Bienvenue au pays de la boue où les maisons sales et biscornues sont faites d'on ne sait quels matériaux pourris. Ce n'est pas vraiment accueillant pour les touristes et l'on sent que le réalisateur a d'abord axé son travail sur la photographie et la fantasmagorie. A ce titre, les effets spéciaux s'insèrent parfaitement dans l'ensemble sauf lors de quelques séquences avec un loup particulièrement laid.

Si l'univers arrive à frapper, c'est également grâce à un scénario correct dont le déroulement se fait sans heurts. Le film est en réalité un nouveau conte dans lequel sont entreposés des bribes des récits des ledit frères qui n'apparaissent alors plus que comme des anecdotes. On sent que le scénariste de cette histoire vient d'Hollywood et ne peut pas s'empêcher d'y incruster pêle-mêle toutes les ficelles du genre pour un résultat convenu. Le film aurait gagné à dérouter le spectateur mais il n'en est rien, celui-ci se cantonnant à un gros film fantastique mêlant action et comédie.

Les frères Grimm se gâte également dès que l'on aborde la question des personnages puisque tous manquent d'épaisseur, à commencer par les principaux. Certes, l'un a la tête sur les épaules et l'autre est plongé dans ses histoires fabuleuses mais cela s'arrête là. Matt Damon n'est pas particulièrement convaincant, trop propre sur lui, à l'inverse de Heath Ledger à qui le plus beau rôle était octroyé. Les personnages secondaires sont particulièrement caricaturaux et il est toujours désagréable d'entendre les Américains massacrer l'accent français et mal parler notre langue.

Plus qu'un nouveau délire de Terry Gilliam, Les frères Grimm apparaît davantage comme un pur produit hollywoodien où le réalisateur a apporté sa patte au niveau de l'univers visuel. Pour le reste c'est un bon gros divertissement fantastique qui ne laisse pas le temps de s'ennuyer. Avec un peu plus de contes et de Grimm, le résultat aurait été sûrement meilleur.