Forrest Gump
Cinéma / Critique - écrit par knackimax, le 13/03/2008 (Tags : forrest gump film hanks tom france jenny
Belle histoire qui nous emporte avec sa plume loin des préjugés et des lieux communs d'une réalité historique avec la féérie des plus beaux contes.
Forrest est un jeune homme simple au QI tout juste insuffisant. Il vit seul à Mobile avec sa mère dans une grande maison reconvertie en chambre d'hôtes. Rejeté d'un peu partout pour sa différence assez flagrante et ses oreilles décollées, il deviendra tour à tour et grâce à sa façon de prendre la vie, sportif de haut niveau, héros de guerre ou PDG d'une entreprise de crevettes. La seule idée fixe du jeune garçon devenant homme sera l'amour de sa vie : Jenny, la seule personne à ne jamais l'avoir rejeté. C'est grâce à sa fabuleuse odyssée qu'il la retrouvera au fur et à mesure des 40 ans que suit la narration. Cela nous permettra de porter un regard lointain sur les mutations d'une société à la ligne historique accélérée.
Robert Zemeckis est connu pour ses incursions dans le domaine de la comédie fantastique telle sa mémorable trilogie Retour vers le futur. Il est aussi connu pour être ingénieux et raconter de belles histoires avec sa caméra et c'est ainsi qu'il signe ce très joli film plein de poésie et d'humour. Il le prouve une fois de plus dans cette adaptation d'un livre éponyme écrit par Winston Groom. Ce dernier raconte la vie d'un homme simple d'esprit à la première personne. Le réalisateur part du même concept initial et fait de son personnage principal le narrateur de son histoire. Prenant le recul avec une caméra qui ne s'avérera finalement pas si intimiste que ca, cela lui permet d'alterner entre la vision du monde et celle du personnage, donnant un décalage humoristique a chaque situation.
Le film est avant tout un conte moderne. Il commence d'ailleurs par la descente d'une plume sur un monde de couleurs, un voyage qui débute à Savannah pour se dérouler en amnésie pendant un peu plus de deux heures, au cœur d'une Amérique en pleine évolution suivi de près par ce chevalier qu'est notre héros au cœur pur. Les quarante ans que parcourt l'histoire nous permettent de survoler les changements majeurs dans le monde et aux États-Unis telle une fresque historique. Le psychédélisme des 70's suit donc la période rock. Les drogues changent mais les utilisateurs restent les mêmes. Peu à peu, les vétérans prennent de la place sur les territoires et c'est déjà les années 80 et les débuts du monde Corporate. Que ce soit en marchant ou en courant, Forrest traversera le temps en nous racontant la vie, celle qui colle si bien à la sienne, les deux se recoupant si souvent que la limite entre le ciel et la terre disparait au milieu des lacs ou dans le fin fond des déserts au lever du soleil.
L'aspect non engagé choquera probablement quelques puristes qui supposeront du film qu'il a choisi la facilité de parler de l'histoire sans y apporter d'avis pertinent. Fort est de reconnaitre que cette notion est un parti pris par le réalisateur qui prend effectivement le raccourci pour nous raconter une histoire simplifiée sur fond d'amour eternel. Il est vrai que l'évocation des thèmes difficiles n'est qu'effleurée et suggérée comme lors de l'évocation du Sida. Cela permet toutefois de démontrer avec subtilité les mécanismes de la société et leur complexité avec une désinvolture toute particulière, se permettant de s'attarder sur une histoire individuelle forte et juxtaposée. Cela prouve aussi la rapidité de l'histoire américaine et sa capacité à bâcler la phase d'implication de sa population tout en évoluant sans cesse. On reconnait donc au global une critique subtile sur la vie en Amérique qui passe par le biais de l'humour plus que par la virulence. Et la musique de cette contestation s'intègre à la musicalité de la fresque sans que l'on s'en rende compte.
Tom Hanks porte ici ce personnage avec un talent exquis, lui permettant toutes les nuances d'un profil qui en offre pourtant peu au départ. Son phrasé et sa posture sont loin de le faire passer pour un abruti mais donnent plutôt de la poésie à l'enfant qui se cache ou fond de son alter égo symbolique, cet enfant emprisonné dans un corps d'adulte. La peur, l'incompréhension et les douleurs qui en découlent se lisent avec sincérité et amertume sur un visage transparent et plein d'émotions.
De magnifiques personnages secondaires s'ajoutent peu à peu à l'histoire et développent l'univers de Forest en lui apportant les traits de personnalité qu'il ne peut pas avoir. Ils détaillent ainsi les différentes facettes d'une société multiculturelle qui s'en prévaut. Gary Sinise est tout particulièrement fabuleux dans les différentes évolutions de son personnage au cours du récit. Il donne à réfléchir à ce que peut être l'humanité dans un rôle et donne une leçon magistrale de son talent d'acteur.
Une caméra assidue et bosseuse nous délivre sans effort des plans d'une très grande beauté. Cette quasi perfection visuelle s'obtient par un grand travail préalable sur la réflexion des plans et ensorcelles le film d'une magie toute particulière. Cet ensorcellement est secondé par une musique composée par un Alan Silvestri fabuleux et lyrique. Elle est accompagnée de morceaux d'une grande variété représentative de la multitude des influences sonores des périodes évoquées. On pourra reprocher toutefois une légère tendance a la facilité dans le choix des artistes, car bien que très représentative d'une époque California Dreamin des Mamas and Papas est un peu un cliché surexploité du cinéma contemporain. Le travail de fourmi nécessaire à un tel film a du être colossal pour acquérir cette maturité. Un bon point supplémentaire sera décerné pour les scènes de reconstitution télévisuelle ou on réintègre Tom Hanks en train de serrer la main de Kennedy par exemple.
Rajoutez à cela une fidèle adaptation de l'esprit du livre et vous avez le mélange à Oscar que l'on connait. Il est donc primordial de voir ce film. Au pire des cas vous trouverez cela sympathique et entrainent et ferez probablement à la suite de jolis rêves sur le pouvoir de l'être humain lorsqu'il ne réfléchit pas. Il s'agit probablement d'une idée a contre courant du bon sens d'ailleurs. Mais le bon sens ne sert à rien quand on marche avec le cœur. Une plume pour écrire, une pour s'envoler et regarder le monde tel qu'il vous est raconté.