4/10Féroce

/ Critique - écrit par camite, le 10/08/2003
Notre verdict : 4/10 - anecdotique, hélas (Fiche technique)

Tags : feroce cruel film feroces francais sauvage page

Alors qu'il n'était encore qu'un enfant, Alain, Français d'origine maghrébine, a vu bien malgré lui sa soeur se faire enlever par quelques skinheads néo-nazis. Arrivé à l'âge de se venger, il décide d'infiltrer la Ligue Patriotique, parti d'extrême droite qui monte, afin d'en tuer le leader. Tâche qui pourrait être facilitée par le contexte de campagne électorale et par la volonté du chef d'adoucir son image, guerre de la communication oblige...

Le réalisateur Gilles de Maistre a éprouvé les pires difficultés à monter son projet et à en faire un film. N'ayant pas trouvé de producteurs susceptibles de le financer, il décide malgré tout de produire le film lui-même, mais subit un nouveau coup dur lorsque les traditionnelles aides financières lui sont également refusées. Envers et contre tout, Gilles de Maistre termine son film fin 2001 (alors que l'idée initiale était de le sortir pour les élections municipales quelques mois plus tôt) mais ne trouve aucun distributeur (Marin Karmitz, patron de MK2, a par exemple jugé le film « fasciste »). Qu'à cela ne tienne, il sortira le film avec ses économies personnelles.

Parmi les conséquences de ce manque de moyens : tous les acteurs de Féroce sont en participation (ils n'ont rien touché pour jouer dans le film et ça, c'est bravo), ce qui n'a pas refroidi Samy Naceri, fidèle de Gilles de Maistre pour avoir tourné avec lui Killer Kid en 92 et Samy intime, portrait diffusé sur Canal + en 2001. En revanche, le premier choix de Gilles de Maistre pour interpréter le leader fasciste était Jean Yanne, qui quittera le projet par refus de jouer gratuitement. L'agent de Jean-Marc Thibault, acteur plutôt démodé ces dernières années, contacte alors Gilles de Maistre qui trouve l'idée « géniale ». Détail amusant : Jean-Marc Thibault est le beau-frère de... Lionel Jospin.

Au rayon judiciaire, Gilles de Maistre a assigné en justice les producteurs d'Astérix et Obelix : Mission Cléopatre pour avoir utilisé au générique la chanson Gazelle que le rappeur d'NTM Joey Starr avait composée et enregistrée en exclusivité pour Féroce. Enfin, le leader du Front National Jean-Marie Le Pen a pour sa part fait un procès à Gilles de Maistre pour diffamation et incitation au meurtre de sa propre personne. Le leader frontiste a été débouté. Le film est donc bien sorti avant le premier tour de l'élection présidentielle, mais sur très peu d'écrans.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le manque de moyens dont disposait Gilles de Maistre pour tourner son film se ressent cruellement à l'écran : un appartement sans meuble par ici, une rave party chiche en figurants par là, le directeur de la photo aux abonnés absents... Cela étant, l'esthétique qui en résulte n'est pas très éloigné de l'esprit documentaire ou d'un esprit anarcho-punk genre Baise-moi, qui collent assez bien au propos du film. Celui-ci n'étant pas franchement fracassant car pas fondamentalement nouveau : les convaincus de l'extrême droite, s'ils ne croient pas les journaux télévisés au sujet de l'aspect peu avouable de leurs partis, ne croiront a fortiori pas plus un film de fiction. Le plus intéressant (et le plus réussi) dans le scénario de Graizon et de Maistre réside dans la progressive descente aux enfers que vit le personnage interprété par Samy Naceri. Pour se rapprocher le plus possible de sa proie, il doit se résoudre à plusieurs concessions lourdes de sens : renoncer à sa religion, coucher avec la fille du monstre (la très dénudée Claire Keim), se voir renié par sa famille et ses amis... et même sauver son ennemi juré d'un attentat. Des sacrifices finalement assez vains ; aller au bout de sa mission initiale, c'est devenir semblable à ceux qu'il veut éliminer. Ne reste alors que le sacrifice ultime pour résoudre cette impossible quadrature du cercle. Malgré quelques répliques amusantes, l'ensemble est assez noir et limite déprimant, la consolation venant de l'excellente interprétation d'ensemble : la conviction de Naceri et le « charisme » de Jean-Marc Thibault n'écrasent en rien les savoureuses compositions des seconds rôles. Intéressant mais pas plus excitant que ça, Féroce ne méritait sans doute pas toutes ses polémiques indignées.