8.5/10Faubourg 36

/ Critique - écrit par riffhifi, le 25/09/2008
Notre verdict : 8.5/10 - 36 chants d’elle (Fiche technique)

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Un classique de demain à base de recettes d'hier. Le scénario, les images et les acteurs sont éblouissants et Christophe Barratier risque de rééditer le jackpot des Choristes.

A première vue, Faubourg 36 a tout du plat surgelé Picard ou de la recette marketing automatique : un casting de vedettes françaises réuni autour du noyau dur du succès 2004 Les Choristes (Christophe Barratier à la réalisation, Gérard Jugnot et Kad Merad devant la caméra), un pichet de bons sentiments, une louche de nostalgie, quinze minutes au four et vous servez avec des pommes de terre. Le genre de produit qu'on digère sans peine entre le Julie Lescaut de la veille et le Zone interdite du lendemain. Et pourtant, malgré le classicisme absolu du sujet et du traitement, ou peut-être justement à cause de ce classicisme, le film est une éclatante réussite : populaire mais pas démago, émouvant mais pas mièvre, il transcende tous les éléments de sa réalisation avec talent et simplicité. Si Les Choristes était un remake de La cage aux rossignols, on ne serait pas surpris que Faubourg 36 fasse à son tour l'objet d'un remake d'ici quelques dizaines d'années.

1935. Germain Pigoil (Gérard Jugnot), Jacky Jaquet (Kad Merad) et Milou (Clovis Cornillac) travaillent au Chansonia, un music-hall qui ferme ses portes lorsque le cruel Félix Galapiat (Bernard-Pierre Donnadieu) vient en clamer la propriété en remboursement des dettes de son directeur. 1936. Le Front Populaire vient d'être élu, mais Pigoil et Jaquet affrontent les dures réalités du chômage tandis que Milou Milou est un titi.
Milou est un titi.
passe son temps à exhorter les ouvriers à faire grève. Lorsqu'ils décident d'occuper le Chansonia et de lui redonner vie, Galapiat choisit de ne pas s'opposer à ce projet. Il y voit même l'occasion de frotter sa barbe libidineuse au minois avenant de la douce Douce (Nora Arnezeder)...

Destins croisés en interaction régulière, évocation inspirée du Paris de l'entre-deux-guerres, Faubourg 36 témoigne d'une alchimie particulièrement inspirée entre le réalisateur, son sujet, et ses interprètes ; ces derniers possèdent entre eux une connivence acquise sur leurs précédents tournages : Les Choristes évidemment pour Jugnot et Merad, Les Brigades du Tigre pour Cornillac et Jugnot, Le Serpent et Le cactus pour Pierre Richard et Cornillac... Si certains acteurs semblent simplement occuper un rôle taillé sur mesure pour eux (Gérard Jugnot égal à lui-même, François Morel un peu anecdotique), d'autres font des étincelles plus inattendues : Clovis Cornillac est touchant en aspirant communiste, Pierre Richard tient son meilleur rôle depuis longtemps, et Kad Merad se révèle particulièrement impressionnant jusque dans les pathétiques casseroles que son Tu Nora qu'à chanter !
Tu Nora qu'à chanter !
personnage ramasse sur scène.

Le travail de Christophe Barratier est remarquable à tous les niveaux : le scénario, bien que foncièrement manichéen et (avouons-le) nourri aux bons sentiments, est aussi riche qu'agréable et recèle des dialogues extrêmement bien écrits ; la photographie, signée Tom Stern (chef opérateur des derniers films en date de Clint Eastwood) est magnifique et met en valeur la soigneuse reconstitution du Paris des années 30 ; et sa distribution judicieuse mêle plusieurs générations de comédiens talentueux autour de la petite nouvelle Nora Arnezeder, dont le nom est plus difficile à retenir que le visage... Le ton du film oscille entre la comédie et le drame, en ne laissant jamais loin très éloigné de l'autre. S'il fallait pointer du doigt un égarement, ce serait sans doute la longue scène musicale un peu too much « à la Busby Berkeley », qui voit les protagonistes traverser douze mille décors en s'égosillant. Mais le reste est tout simplement aux petits oignons : Faubourg 36 n'est pas seulement un film classique. C'est déjà un classique.