Fahrenheit 9/11
Cinéma / Critique - écrit par weirdkorn, le 08/07/2004 (Tags : film moore michael fahrenheit bush documentaire films
Faites le Moore, pas la guerre
Une bombe est lâchée. Non, elle ne fait pas partie de celles lancées par George W. Bush et son équipe sur le Moyen-Orient mais plutôt de celles utilisées contre la politique actuelle américaine. Fahrenheit 9/11, palme d'or 2004, est une arme cinématographique destinée à montrer au grand jour le gouvernement Bush et prendre conscience des conséquences de sa politique. Michael Moore, toujours réalisateur, scénariste et producteur, reprend ici son style préféré qui a déjà fait ses preuves dans Bowling for Columbine ou Roger et moi. Il combine toujours aussi bien l'humour, la dérision ainsi que ses démonstrations chocs et poignantes. Fahrenheit 9/11 déroge cependant un peu à cette règle et est bien plus touchant que ses autres films. On sent que ce sujet lui tient particulièrement à coeur et l'émotion prend le pas sur le côté comique. Le réalisateur veut frapper cette fois les gens autrement que par le rire et il y arrive.
Tout commence fin 2000 avec l'élection présidentielle aux Etats-Unis. George W. Bush gagne en Floride après le vote de la Cour Suprême alors qu'Al Gore comptabilisait plus de voix. Voilà le début de l'histoire. Un président élu sans la majorité des suffrages peut alors tout se permettre. Michael Moore commence son analyse et sa descente de George W. Bush, montrant ses occupations, ses liens avec les Ben Laden et les Saoudiens, les sociétés que lui ou ses amis ont dirigées, les manipulations du peuple et d'autres sujets sensibles pour se conclure par la guerre en Irak.
Le résultat est à la fois prenant, alarmant et bluffant. Michael Moore possède un don extraordinaire au niveau de la mise en scène. C'est un réalisateur de génie, utilisant au mieux toutes les armes dont il dispose. Il sait comment toucher les gens et le passage des attentats du World Trade Center est fabuleux (je n'en dis pas plus). Il trouve toujours les bonnes images, les bons témoignages et les monte à sa sauce, c'est à dire sans temps mort et sachant garder un côté divertissant. Mais à force de manier aussi bien tout ce dont il dispose, il arrive aussi à nous manipuler, cela bien plus que dans n'importe quel autre de ses films. Fahrenheit 9/11 se focalise sur ce que Michael Moore désire et il oublie en contrepartie des informations essentielles comme le régime dictatorial de l'Irak sous Saddam Hussein ou l'alliance du Royaume-Uni, du Japon ou de l'Espagne au côté des américains. A force de vouloir mettre tout le monde de son côté, il en fait de trop et décrédibilise du coup son propre documentaire.
Fahrenheit 9/11 comporte surtout des images trouvées ça et là, généralement encore inédites mettant ainsi fin aux reportages et aux interviews personnelles de Michael Moore qui ne sont plus qu'anecdotiques. Le film a désormais pour but de nous émouvoir et diffère ainsi de ses prédécesseurs. Fahrenheit 9/11 est en fait coupé en deux parties, une première plutôt humoristique 100% Michael Moore et la seconde beaucoup plus lente et émotionnelle. On rigole souvent au début comme lors de la réaction de George W. Bush devant les attentats mais le documentaire tourne peu à peu au drame. Michael Moore nous montre des images chocs de la guerre et un reportage sur une mère de famille ayant eu son fils tué pendant la guerre. Ce témoignage, réellement bouleversant, m'a ému comme rarement. Cela dit, ce passage, très fort émotionnellement, n'a que pour but de faire pleurer dans les chaumières. Michael Moore le sait et laisse cette scène durer trop longtemps uniquement pour cela.
La politique de George W. Bush est plus que contestable et il est bien que certaines personnes comme Michael Moore la combattent. Mais je trouve que ses méthodes fonctionnaient mieux lors de ses précédents films. Cette fois-ci, il cherche trop à manipuler l'opinion publique et il ne faut pas oublier l'élection présidentielle qui approche. Cependant, sa démonstration demeure toujours aussi forte, à la fois drôle et poignante. Alors, il serait dommage de s'en passer.