6/10L'échange

/ Critique - écrit par riffhifi, le 14/11/2008
Notre verdict : 6/10 - Jolie maman (Fiche technique)

Tags : echange film eastwood collins rapport histoire christine

Bien filmé, écrit avec intelligence, la dernière livraison de Clint Eastwood n'en distille pas moins un parfum d'ennui et de mollesse. Dommage.

Il y a des cinéastes qui font partie du paysage, à un point tel qu'ils semblent avoir toujours été là. Woody Allen, par exemple, livre tous les ans son film-thérapie à l'image de son humeur du moment, et sa bouille de New-Yorkais binoclard ne paraît pas changer avec le temps. Clint Eastwood, c'est pareil : on l'a tellement vu devant et derrière la caméra depuis quarante ans que l'on ne s'étonne plus de le voir livrer un nouveau film à 78 ans, un an après son diptyque guerrier Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima et un an avant le thriller Gran Torino dont il tiendra la vedette. Pourtant, il est possible que la fatigue guette le Clint, au vu des 2h21 de ce mystère rétro dont il signe la réalisation et (fait plus rare) la musique.


"Mon Dieu, ai-je pensé à éteindre le gaz ?"
Le titre français L'échange, déjà utilisé en France il y a sept ans pour désigner un film d'action mettant en scène Russell Crowe et Meg Ryan, ne fait pas totalement justice à la version originale Changeling, qui désigne le bébé que les fées laissent parfois à la place de celui qu'elles dérobent. En l'occurrence, il s'agit de l'enfant remis par la police de Los Angeles à Christine Collins (Angelina Jolie), quelques mois après la disparition du bambin... La raison de cette substitution est simple : nous sommes en 1928, la police corrompue a fort à faire pour redorer un blason sérieusement esquinté, et elle voit dans cette affaire la possibilité de se faire un coup de pub. Mais la mère ne se laisse pas leurrer, et va tout mettre en œuvre pour dénoncer la mystification et rechercher son vrai fils. Elle sera soutenue dans cette quête par le pasteur Gustav Briegleb (John Malkovich), un fervent activiste qui ne peut pas voir le LAPD en peinture.

Il n'est pas question de discuter le talent de narrateur de Clint Eastwood, ni sa direction d'acteur impeccable. Angelina Jolie est convaincante en mère éplorée malgré le caractère répétitif et unidimensionnel de son rôle, John Malkovich est toujours parfait bien que son personnage n'apporte quasiment rien à l'intrigue, et Jeffrey Donovan est une révélation avec son capitaine Jones aux airs de crapule,
"Mais pourtant, c'est le bon modèle : une paire
de bras, une paire de jambes, une paire de...
- Non je vous assure, ce n'est pas mon fils."
dont les cicatrices indiqueraient plus volontiers l'appartenance au gang d'Al Capone que la fonction d'officier de police. La photographie aux couleurs passées, la reconstitution minutieuse des années 20, tout est aux petits oignons dans ce plat mitonné par un cuisinier talentueux. Mais au bout d'une heure, un constat s'impose : on s'ennuie. Le déroulement de l'action est lent, les dialogues sont répétitifs, et les moments forts se font attendre. Quelques scènes viennent bien secouer le rythme anémique de loin en loin, mais la terrible impression demeure que le montage final aurait pu durer une heure de moins. Au terme d'une dernière partie qui semble ne jamais vouloir finir, on se surprend pourtant à trouver le scénario diablement intelligent, digne des circonvolutions d'un Mystic river ; c'est d'ailleurs avec plaisir qu'on le sait rédigé par J. Michael Straczynski, auteur de la série télé Babylon V et de nombreux comics Marvel, qui démontre bien la porosité qui existe entre ces médias. Mais la note finale, réussie en dépit du sentimentalisme qui la nappe, n'empêche pas l'insatisfaction procurée par ce film académique, guindé et un peu mou. Vivement Gran Torino, histoire de retrouver la frimousse de Clint absente depuis trois films et... ah, seulement trois ans ? Décidément, cet homme tourne tout le temps.