Le dernier samouraï
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 15/01/2004 (
L'Amérique a parfois mal. Elle souffre en se regardant elle-même sur le champ de bataille, enfoncée dans une quelconque guerre qui la meurtrira à jamais, et qui finira certainement sur les écrans en signe d'expiation. Pour illustrer tout cela, rien de tel qu'une tête connue et un sacré paquet de zéros et de figurants, le tout emballé dans un précieux papier de bons sentiments et noué d'un ruban de spiritualité.
1876. Des cauchemars plein la tête, le capitaine Nathan Algren (Tom Cruise), l'un des « glorieux » héros de la guerre de sécession, se laisse détruire par le temps et l'alcool. L'attrait de l'argent va le mener à se retrouver une nouvelle fois sous le commandement du colonel Bagley, non pas pour faire la guerre, mais pour entraîner les forces japonaises à se battre contre les rebelles se dressant contre l'empereur, les samouraïs menés par le légendaire Katsumoto. Une entreprise déterminante puisqu'elle permettrait aux Etats-Unis de former une série d'accords commerciaux avec un pays qui ne demande qu'à s'occidentaliser. L'armée japonaise, prématurément envoyée au combat, est décimée par les samouraïs, et le capitaine Algren se porte disparu, enlevé par Katsumoto...
Tradition (sabres et flèches) contre modernité (fusils et baïonnettes), honneur (Katsumoto) contre déshonneur (Algren). Le capitaine alcoolique, image d'une Amérique souillée par une série de batailles sanglantes, vaines, et indignement menées, se heurte à la candeur, au courage, et au dévouement du samouraï, pour le salut de son âme. Et c'est précisément ce dont il est question dans Le Dernier Samouraï, moins intéressé par l'aspect historique (l'expansionnisme américain, la fragilité du pouvoir japonais) que par l'emblématique ré-ascension de Monsieur Cruise au sein de cette « tribu » un peu primitive mais profondément respectable. Autant l'annoncer d'emblée, il sera difficile d'éviter les conversations philosophiques et les portraits à rallonge sur la détermination, l'honneur, et la spiritualité. On en imagine facilement le dénouement et la problématique interne, conventionnels tous deux, mais rien ne nous permet à aucun moment de faire un véritable reproche sur le fond. Peut-être que l'accentuation portée sur ce côté épique et jusqu'au-boutiste pourra en énerver quelques-uns, alors que d'autres le laisseront flotter sans y prêter réelle attention. La forme, elle aussi convenue, marque tout de même plusieurs points grâce à sa photographie, superbe hommage aux paysages magnifiques du japon et de la Nouvelle-Zélande, et quelques idées de réalisation bienvenues (par exemple, la dissociation physique/spirituel de Algren après un combat de rue acharné). Mais une très large place est tout de même préservée à la gloire du visage de l'acteur maintenant barbu et chevelu, personnage fictif indéboulonnable dans un contexte qui se veut inspiré de la réalité. On oubliera facilement l'insipide romance qui n'existe probablement que pour offrir un débouché sentimental complémentaire au capitaine Algren, les petites altercations annexes (notamment avec le colonel Blagey), et le contexte politique qui visiblement n'était pas un des traits essentiels du scénario.
On pense furieusement à du Danse Avec les Loups, parfois à du Braveheart(je vais la chercher loin, j'avoue), mais, pas de méprise, il ne s'agit que de style. Le Dernier Samouraï, dernière ode en date à l'Amérique blessée par l'histoire et à la si belle barbe de Tom Cruise, n'en est qu'un successeur un peu plat, très conventionnel, mais indéniablement bien maîtrisé au point de ne pas voir les deux heures et demi se passer.