Le dernier pour la route
Cinéma / Critique - écrit par Guillaume, le 17/09/2009 (Un film intelligent sur l'alcoolisme qui prend le parti de ne pas stigmatiser les buveurs. On n'est pas sûr que les personnages s'en sortiront, mais les acteurs, eux, arrivent à donner une image plausible de l'affaire.
Pan-Européenne © Photo Nathalie ENO
Au cours des premières minutes du film, Hervé a soif. Il boit, avec une certaine parcimonie, bières et verres de vin. Si c'était seulement le petit blanc du bistro, on serait passé sans s'attarder. Mais quand même, dans le train il fait le pied de grue devant le wagon restaurant, impatient de le voir s'ouvrir pour enfin s'enfiler quelques bières. On saisit mieux le malaise du personnage incarné par François Cluzet.
Hervé a décidé de se sortir de son problème d'alcool. Le voyage qu'il entame le mène rapidement, après avoir comblé son manque d'hydratation, à un centre de soins entouré par la nature. Cinq semaines décisives vont alors se succéder. Entre déni de la maladie, acceptation des erreurs passées et peur du lendemain, le pauvre hère est souvent mutique, bien plus que ses compagnons d'infortunes qui tentent tant bien que mal de dissimuler leur détresse en plaisantant.
Pan-Européenne © Photo Nathalie ENOEn groupe, on rigole, on s'amuse, puis on apprend à se connaître, à se reconnaître, et finalement on se confie. Les histoires sont moches et dramatiques. On est bien loin de se marrer à chaque scène. Sans aller jusqu'à l'empathie -savoir qu'il s'agit d'un film, même adapté d'une véritable histoire l'empêche- on en vient à s'imaginer pris dans les mêmes tourments. Le mythe de l'invulnérabilité de soi-même en prend un coup.
Quand Mélanie Thierry apparaît, la fragilité en profite pour faire son entrée. Dans son rôle d'écorchée, elle passe tout à tour du besoin d'affection à un déchaînement de violence. C'est la vraie paumée de la bande, celle que l'on ne s'attend pas à voir guérir, si ce n'est en imaginant un happy end hollywoodien. Face à elle, les autres participants semble bien pâles, offrant des caractères plus égaux. Pourtant, tous les acteurs jouent avec une sincérité assez étonnante. Si on a besoin de quelques temps pour comprendre le jeu intérieur de Cluzet, et si celui de Thierry est un peu trop expressif pour être honnête, les autres larrons manient une certaine légèreté dans la gravité.
Pan-Européenne © Photo Nathalie ENOLe propos est bien présent dans l'oeuvre de Godeau, à la fois assez bien formulé pour être compréhensible, mais aussi assez discret pour ne pas donner de leçons. Malheureusement, le jeu de la caméra est quant à lui moins bien maîtrisé. On se demande encore comment on peut oser faire trembler l'image de façon aussi amateure pour exprimer le bourrage de gueule. Pour le reste, c'est correct mais sans surprise. Un peu plus de fantaisie aurait pu amener une âme supplémentaire à l'ensemble. Filmer de bons acteurs est une chose, les sublimer sera la prochaine étape.