7/10De toutes nos forces, ou comment faire un bon film émouvant

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 18/03/2014
Notre verdict : 7/10 - Le comble d'un mélo français ? Etre bon. (Fiche technique)

Tags : film toutes films fabien histoire forces vie

Un père qui apprend à connaître son fils handicapé à travers le dépassement de soi et l'exploit sportif. Une aventure intense et humaine, des gens ordinaires qui vivent une expérience extraordinaire... Et c'est beau. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

Je hais les mélos. Je les déteste. Ces films qu'on croirait vendus avec une boîte de Kleenex et qui cherchent à tout prix à tirer la larme au spectateur, à l'assassiner à coups de guimauve et de chatons. Mais il y a pire. Il y a les mélos français qu'on retrouve ensuite aux Césars. Une mise en scène plate appuyée par tout un chargement de violonistes dégoulinants et des acteurs quasi muets qui n'ouvrent la bouche que pour en sortir un marmonnement caverneux entre deux regards humides. Actor's Studio M'sieur Dames !

Alors quand on m'a proposé d'aller voir De toutes nos forces, avec Jacques Gamblin et Alexandra Lamy, l'enthousiasme n'est pas le sentiment qui m'a submergé en premier. L'histoire est simple : Julien est un ado souffrant de paraplégie à qui son père (Jacques Gamblin) parle à peine. Il se met en tête, pour se rapprocher de son paternel, de participer ensemble à un grand triathlon connu sous le nom d'Ironman. Tout y est : scénario balisé, larmes à la pelle et grande émotion qu'on attend dans un final épique. Allons-y gaiement. Pourtant, ça marche. De toutes nos forces est un film beau, émouvant, avec des acteurs talentueux. Essayons de voir pourquoi.

Intouchables 2 ? Bullshit !

Tout d'abord, en regardant les commentaires d'internet concernant la bande-annonce, vous remarquerez beaucoup d'allusions au fait que le film semble vouloir surfer sur le succès d'Intouchables avec l'idée de mettre un handicapé en premier plan. Rien n'est plus faux. Déjà, lorsqu'on a deux films en trois ans qui mettent en avant le fait qu'un paraplégique a une personnalité autre que celle seulement liée à sa maladie, il n'y a pas de quoi crier au scandale. Mais plus important, la démarche dans laquelle De toutes nos forces a été réalisé est toute autre.


Alexandra Lamy et Jacques Gamblin, un couple qui se révèle curieusement attachant..

 

Pour commencer, il faut savoir que le handicap n'est pas un sujet facile à aborder, c'est pourquoi il faut parfois le laisser à des connaisseurs, comme ici le réalisateur Nils Tavernier. Plus prolifique en documentaire qu'en fiction, ce jeune cinéaste est déjà l'auteur de Destins de famille, un film suivant des malades pendant plusieurs mois et les conséquences de leur condition chez leurs familles.

Alexandra Lamy non plus n'est pas totalement étrangère au monde de la maladie puisqu'elle a réalisé pour Envoyé Spécial, un reportage sur l'histiocytose, une maladie orpheline ressemblant à un cancer. Ceci peut paraître anecdotique mais c'est ce qui fait passer De toutes nos forces du statut de mélo larmoyant à celui de témoignage sincère et touchant.

Quand ça passe, c'est beau

Le fait que le réalisateur connaisse son sujet rend l'ensemble extrêmement plus subtil puisqu'il est pleinement conscient qu'avec un tel scénario, il est sur la brèche, à deux doigts de tomber dans un sentimentalisme exacerbé. C'est pourquoi Nils Tavernier, à travers une mise en scène très sobre et une économie de dialogues réussit à ne pas tomber dans ses excès. La musique est souvent discrète, et quand il y en a, il s'agit plutôt d'électro-rock planant et pas de violons suaves. La caméra est au plus près des acteurs et cherche à nous faire rentrer dans leur quotidien sans trop appuyer sur la corde sensible. Tout en finesse. Deux accrocs toutefois : une scène de discours de la grande sœur qui tombe vraiment dans la guimauve et qui n'apporte rien, dommage. Et un hommage à Rocky, je sais que c'est intentionnel mais en 2014, les montages de sport avec le type qui s'entraîne et qui progresse sur une musique entraînante ça devrait être interdit.

Parlons maintenant des acteurs. On sait dès le départ que le film va se jouer sur la relation père/fils, et donc que les seconds rôles seront loin derrière. C'est le cas, et le personnage de la mère (Alexandra Lamy) se montrera assez énervant dans la première partie. Mais au crédit du film, il se consacre vraiment à cette relation et ne brode pas beaucoup autour. Un angle louable surtout au regard de ce que j'ai dit plus haut concernant les dialogues. Le personnage de Jacques Gamblin étant un ancien sportif assez rude et peu bavard, la plupart des émotions qu'il partage avec son fils passent par le regard. Un choix qui apporte beaucoup à la subtilité des échanges.


C'est la première apparition de Fabien Héraud au cinéma.

 

Enfin, on ne peut pas ne pas dire un mot sur Julien, incarné par Fabien Héraud qu'on espère revoir bientôt au cinéma. Le jeune acteur arrive à passer de la souffrance la plus totale à une explosion de joie et d'enthousiasme extrêmement communicative.

Donc pour résumer, un film extrêmement classique dans son déroulement, ce qui va avec quelques longueurs, mais une sincérité dans le jeu d'acteur et la mise en scène qui mène à une émotion inévitable. Une belle prouesse que Krinein ne peut que vous recommander. Et si quand les lumières de la salle se rallument, votre voisin peste contre le moustique qui s'est écrasé dans son œil, il ment.