Le crime est notre affaire
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 20/10/2008 (Catherine Frot et André Dussollier reprennent une assiette d'Agatha Christie servie par Pascal Thomas, trois ans après Mon petit doigt m'a dit. Léger. Très.
En 2008, c'est la guerre des Pascal pour les adaptations francisées d'Agatha Christie : Pascal Bonitzer proposait en avril Le grand alibi, adaptation du roman Le Vallon (The Hollow), et Pascal Thomas sortait mercredi dernier Le crime est notre affaire, adapté du Train de 16h50 (4 :50 from Paddington). Si tous deux changent le titre de l'œuvre originale, Thomas est encore plus coquin puisque là où Bonitzer se contentait de supprimer Hercule Poirot, lui pousse le vice jusqu'à remplacer l'héroïne Miss Marple par le couple Bélisaire-Prudence (en anglais, Tommy et Tuppence) qu'il avait déjà mis en scène dans Mon petit doigt m'a dit en 2005, ce qui lui permet d'appeler son film Le crime est notre affaire, comme le recueil Partners in crime qui regroupe les aventures de ce couple de détectives. Ouf. Le réalisateur peut désormais se vanter d'avoir trois adaptations de la romancière anglaise à son actif, puisqu'il a également signé L'heure zéro l'an dernier.
"Je suis déguisé en mariachi,
fais semblant d'y croire."Bélisaire Beresford (André Dussollier) est un colonel à la retraite, bien content d'avoir abandonné les enquêtes criminelles pour la quiétude de la campagne. Sa femme Prudence (Catherine Frot), en revanche, n'assume pas plus son statut de retraité que son prénom. Lorsque sa tante Babette (Annie Cordy) lui déclare qu'elle a vu un meurtre se commettre dans un train, l'enthousiaste Miss Détective se lance sur la piste du crime, au grand dam de son mari.
Tommy et Tupence Beresford ont été créés au tout début de la carrière d'Agatha Christie, dans les années 20. Bien qu'ils ne soient pas ses personnages les plus célèbres, on peut soupçonner que Dashiell Hammett s'en soit inspiré pour créer son propre couple de héros Nick et Nora Charles, dans The thin man. Pascal Thomas a-t-il voulu conserver un peu de ce ton suranné qui baignait les premiers écrits de Mrs. Christie ? Toujours est-il que le film, bien que situé de nos jours, pourrait aussi bien (à quelques détails près) se dérouler ou même avoir été filmé dans les années 50... Ce qui n'est pas un reproche en soi, dans la mesure où l'on se passe facilement d'explosions et de bullet time dans une enquête pépère en terrain boueux. Encore faut-il que ladite enquête ait de quoi titiller les neurones, ce qui est loin d'être le cas ici : les tensions familiales qui s'articulent autour d'un
Claude Rich n'est pas pauvreaffreux grippe-sou joué par un Claude Rich joueur jusqu'au cabotinage, en fin de compte, ne semblent pas intéresser réellement le réalisateur. Le cadavre lui-même est découvert à la moitié du film pour n'être identifié que bien plus tard, avant de donner lieu à une résolution tragiquement prévisible et expédiée en deux coups de cuillère à café.
Car la vedette n'appartient pas à l'enquête ici, mais bien au couple formé par Catherine Frot et André Dussollier, attendrissants dans leur complicité et amusants malgré la finesse toute relative des gags qui leurs sont confiés. Les deux acteurs retrouvent leurs personnages avec plaisir, et font de l'ombre à tous les Melvil Poupaud, Chiara Mastroianni, Hippolyte Girardot et autre Christian Vadim qui peuplent le casting. Leur relation occupe le centre de l'intérêt, et les rares effets de réalisation sont entièrement dévoués à la représentation fantaisiste que chacun se fait de l'autre en son absence (apparaissant dans une peinture animée, etc.) ; maladroit mais distrayant, à l'image d'un film qui offre quelques paysages enneigés reposants mais peu de défis intellectuels ou de frissons. On aura du mal, en revanche, à pardonner une scène finale qui consiste en une simple mise à l'écran d'une blague (drôle mais) archi-connue que les Grosses Têtes et les carambars ont certainement contribué à populariser depuis quelques dizaines d'années. Mais après tout, si le film a été tourné dans les années 50...