Coraline
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 28/05/2009 (Tags : coraline film monde prenom mere parents animation
Sans doute pas aussi réussi que L'étrange Noël de M. Jack, mais on y retrouve la personnalité de son réalisateur Henry Selick, servie par de nouvelles technologies et une histoire universelle.
Il y a trois éléments qui allèchent les babines dans Coraline. D'abord, c'est un film
en 3D, le procédé qui revient massivement à la mode à l'aide des dernières avancées technologiques. Ensuite, c'est l'adaptation d'un best-seller de Neil Gaiman sorti en 2002. Enfin, c'est le troisième long métrage d'animation du trop rare Henry Selick, à qui l'on doit L'étrange Noël de Monsieur Jack (1993) et James et la pêche géante (1996) ; son incursion dans le cinéma live n'ayant pas rencontré le succès (Monkeybone en 2001, inédit dans nos salles), il retourne ici à ce qu'il fait le mieux : l'animation image par image. Après s'être fondu dans les univers de Tim Burton et de Roald Dahl, Selick déploie ici sa personnalité en signant pour la première fois le scénario, s'appropriant ainsi l'histoire de Neil Gaiman.
Coraline a 11 ans, des cheveux bleus, et aimerait bien s'amuser dans la boue plutôt que de rester cloîtré dans sa nouvelle grande maison pendant qu'il pleut. Elle aimerait aussi que sa maman cuisine de bons petits plats, que son papa s'occupe d'elle, et que la nouvelle grande maison soit aménagée et décorée. Heureusement pour elle, il existe une petite trappe qui peut la conduire dans un monde alternatif, où son "autre maman" et son "autre papa" sont conformes à ses désirs. Mais cette réalité idyllique est-elle vraiment ce qu'elle semble être ? On peut en douter, à voir les
boutons noirs qui remplacent les yeux de ses habitants...
Le thème du monde caché dans lequel les enfants s'évadent par le biais d'un miroir ou d'un placard, c'est la base de bon nombre de récits classiques, d'Alice au pays des merveilles au Monde de Narnia, en passant par Peter Pan et le Magicien d'Oz. C'est donc sans surprise qu'on se surprend à trouver quelques grains de chacune de ces histoires, ainsi que des éléments de contes comme Hansel et Gretel. On ne peut pas dire que l'histoire elle-même soit une révolution, et son succès en livre s'explique sans doute en grande partie par la renommée de son auteur et l'absence lors de sa sortie d'un nouveau tome de Harry Potter. Néanmoins, de ces prémisses toutes simples et déjà vues, Henry Selick parvient à tirer un film aussi personnel qu'atypique, régi par un crescendo savant qui part d'une certaine fadeur pour arriver à un tourbillon de fantaisie visuelle étourdissant. Coraline, avec ses cheveux bleus et ses taches de rousseur, possède un caractère en acier trempé qui évite d'emblée la niaiserie que l'on pouvait redouter ; exit aussi les craintes d'une comédie musicale à la Disney, il n'est pas question ici de chanter bien que les compositions de Bruno Coulais soient ici un étonnant mélange de sonorités parfois incongrues. Avec un sens aigu de la narration, le scénariste-réalisateur développe finement chacun de ses personnages, parvenant ainsi à donner d'autant plus de poids à leur contrepoint de "l'autre monde". La déliquescence progressive de ce monde de rêve apparaît donc particulièrement cauchemardesque, promettant de donner quelques sueurs froides aux bambins
présents. Car bambins il devrait y avoir, Coraline étant un film clairement adressé à la jeunesse (sans doute plus que L'étrange Noël de Monsieur Jack) et leur distillant l'air de rien quelques conseils : regardez au-delà des apparences, ne choisissez pas la facilité... Il serait plus facile de s'appeler Caroline que Coraline, mais ce n'est pas ce que tu veux, ce n'est pas ton vrai nom.
Le film est si réussi qu'on en vient à oublier le gimmick qui lui sert de fer de lance : il s'agit du premier film d'animation stop-motion à utiliser la 3D. Certes, oui. Et le relief suit la tendance intelligente qui consiste à creuser les décors subtilement plutôt qu'à balancer gratuitement des objets dans la poire du spectateur. Mais du coup, à quelques plans près, on s'en passerait volontiers, et on peut facilement s'éviter de se coller des lunettes sur le nez pour privilégier la recherche des séances en version originale (avec les voix de Teri Hatcher, French & Saunders, Ian McShane...).