Les citronniers
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 21/05/2008 (Un conflit de voisinage sur fond de conflit israélo-palestinien, porté par deux femmes magnifiques.
Une bande de citronniers paisibles s'égayaient gentiment sous le soleil de Cisjordanie. Les rayons coquins de l'astre flamboyant venaient caresser la peau souple des fruits, que dissimulaient à peine les quelques feuilles de l'arbre. La vie des citronniers de Salma Zidane s'écoulait paisible, bercée par les doux traitements de cette veuve et de son aide-citronnier depuis des années. Bien sûr, il n'aurait pas été très vendeur de faire un film sur la vie des citronniers, fussent-ils palestiniens. C'est donc l'arrivée d'un Ministre de la Défense israélien qui va tacher le tableau idyllique de cette femme et de ses arbres. Israel Navon vient en effet d'emménager à côté de Salma, mais quand on est aussi haut placé, on en devient vite la cible des opposants. Et quand il s'agit du conflit israélo-palestinien, on ne rigole pas franchement avec des arbres qui peuvent offrir le couvert à de couards terroristes. Une solution s'impose : il faut couper les citronniers. Là aussi, le film aurait pu s'arrêter sur des bruits de tronçonneuse, mais Salma ne l'entend pas franchement de cette oreille et va tout faire pour sauver ses beaux citrons. Et notamment en appeler à la justice par l'intermédiaire de l'avocat Ziad Daud.
Julien Courbet au Moyen Orient
Salma et ses gardes du corpsDans un premier temps, on peut considérer le film de Eran Riklis comme un simple conflit de voisinage, dont la toile de fond est le Moyen Orient. Comme il le dit lui-même, son « film n'est pas politique » et tous les personnages « sont piégés à la fois par leur propre situation personnelle et publique et par leur façon de penser ». L'histoire tend à montrer que cette guéguerre de citronniers aurait pu se régler de façon amicale dans le cadre d'une relation de voisinage normale. Mais il ne faut pas oublier ce poids géopolitique, et l'importance que chaque camp veut donner à la victoire ou à la défaite de Salma devant les cours de justice. Au fur et à mesure du film, se dévoilent des aspects extérieurs au conflit : l'arrivée des médias, celle des étrangers, l'histoire des citronniers devient internationale; tandis qu'à l'intérieur, Salma et Mira, la femme du Ministre, semblent plutôt proches par la pensée.
Les brunes comptent pas pour des prunes
La première qui baisse les yeux a perdu.Car Les Citronniers est aussi, et surtout, un film de femmes. Salma est coupée de ses citronniers, et sous le coup d'un amour impossible, tandis que Mira, femme libérée à l'occidentale, est enfermée chez elle. Pourtant toutes deux ne rêvent que d'une chose, pouvoir se défaire de ces liens qu'on leur a imposés. Hiam Abbass, qui joue Salma, et Rona Lipaz Michael, dans le rôle de Mira, semblent porter le film sur leurs épaules pas si frêles. Hiam Abbass, notamment, est magnifique d'un bout à l'autre de la pellicule, une femme sublimée qui n'hésitera pas à braver pendant un instant les lois musulmanes et les lois tacites entre les deux camps. S'il fallait faire une comparaison de mauvais goût, Salma est, comme la moutarde, fine et forte. De l'autre côté, Mira est plutôt évaporée, simplement « la femme de » malgré sa beauté. Et c'est au cours du film qu'elle va dévoiler un peu plus d'elle-même, ses convictions mais aussi ses faiblesses et ses problèmes de couple.
Vas-y, dis lui qu'il fait trop pitié et qu'il parle à ta mainLe spectateur, du fait du conflit qui se déroule derrière la caméra, veut sans doute trouver à tout prix une relation entre l'histoire de ces femmes et l'Histoire des deux pays. Dans ce cas-là, il trouvera sans doute le propos développé un peu trop faible. Mais était-ce vraiment l'intention du réalisateur ? L'histoire de cette femme défendant sa terre, ses citronniers, son passé, sa vie au final, ne se suffirait-elle pas à elle-même ? A moins que l'idée principale est celle d'un petit (Salma) attaquant, de façon légal, un gros (ici un pays via son Ministre de la Défense) ? Autant de questions auxquelles on ne répondra pas. Car, en dernier lieu, le spectateur développera lui-même sa propre lecture du film, et le trouvera très bon ou légèrement raté.